Le secrétaire d'Etat américain John Kerry part lundi pour Moscou, où il effectuera sa première visite en tant que patron de la diplomatie américaine, au moment où les sujets de discorde se multiplient avec la Russie. De la Syrie aux attentats de Boston en passant par le désarmement, l'Iran, la Corée du Nord et le lourd dossier des droits de l'homme et de la société civile, John Kerry aura un programme particulièrement chargé mardi et mercredi, sur lequel des analystes attendent peu de résultats majeurs. Celui qui pilote la première diplomatie de la planète depuis trois mois s'est souvent rendu en Russie lorsqu'il était sénateur et a lui-même reconnu que cette première visite officielle était "tardive". M. Kerry affiche une certaine proximité avec son homologue russe Sergueï Lavrov qu'il a déjà rencontré trois fois depuis début février lors de passages à Berlin, Londres et Bruxelles. Le département d'Etat a laissé entendre que son ministre pourrait aussi s'entretenir avec le président russe Vladimir Poutine, mais le ministère russe des Affaires étrangères n'a donné aucun détail. Si les dirigeants des deux anciens adversaires de la Guerre froide sont "d'humeur pour essayer de rendre la relation plus cordiale, ce sera déjà un succès", pense Fiona Hill, directrice du programme sur les Etats-Unis et l'Europe de la Brookings Institution. Il faut dire que les relations bilatérales se sont assombries depuis le retour au Kremlin en mai 2012 pour un troisième mandat du président Poutine, compromettant le fameux "redémarrage" ("Reset") voulu en 2009 par son homologue Barack Obama. Les deux chefs d'Etat devraient toutefois se voir à Moscou avant le sommet du G20 début septembre en Russie. MM. Poutine et Obama ont décidé d'intensifier leurs efforts dans la lutte contre le terrorisme à la suite du double attentat au marathon de Boston le 15 avril attribué à des frères d'origine tchétchène, selon un conseiller russe. Antagonisme sur la Syrie D'ailleurs, la collaboration entre les deux puissances sur ce dossier a été "positive", constate Matthew Rojansky, directeur adjoint du programme Russie et Eurasie du centre de recherche Carnegie. A l'inverse, les deux pays ont des positions antagoniques sur la guerre en Syrie, Moscou étant l'un des derniers soutiens militaires à Damas et bloquant complètement le Conseil de sécurité de l'ONU. Malgré l'évocation par les Etats-Unis de l'usage d'armes chimiques par le régime de Bachar al-Assad --que Moscou considère aussi comme une "ligne rouge"--, il y a peu de chance que M. Kerry persuade ses interlocuteurs de faire le moindre "compromis", prévient Mme Hill. "Les Russes ne voient pas l'intérêt de s'entendre avec l'opposition" syrienne et "ne voient aucune perspective de stabilité en armant les rebelles", explique l'experte. De fait, abonde son confrère Rojanski, "Moscou s'inquiète d'un régime islamiste que personne ne pourrait endiguer" après le départ éventuel du président syrien. Malgré ces pommes de discorde, Russes et Américains continuent d'avoir des terrains d'entente sur les dossiers internationaux, qu'il s'agisse du désarmement nucléaire, de l'Iran ou de la Corée du Nord. En revanche, les contentieux sur les droits de l'homme et la société civile alimentent de très fortes tensions qui rappellent le climat de la Guerre froide. Moscou a interdit l'adoption d'enfants russes par des Américains en représailles à la publication aux Etats-Unis de la "liste Magnitski", qui place sur liste noire des responsables russes pour leur rôle présumé dans la mort en prison en 2009 du juriste anti-corruption Sergueï Magnitski. La Russie a également mis fin aux activités de l'agence américaine pour le développement international USAID, l'accusant de se mêler de la politique russe.