Je ne sais pas si vous avez pensé à observer les panneaux d´affichage électoraux qui affligent un environnement qui en a déjà assez de toutes les pancartes et panneaux fixés ici et là à la va-vite pour vous indiquer l´endroit où l´on vous arnaquera à coup sûr? Eh bien, ces panneaux (que personne ne remarque, ne regarde) sont, pour la plupart d´entre eux, encore vierges! Et les rares listes qu´on y a placardées sont d´une platitude exaspérante en raison, surtout, de la notoriété des candidats qui sont, pour la plupart, d´illustres inconnus dans cette banlieue défavorisée et polluée. Et pourtant, à lire une certaine presse, on imagine que le combat est rude, incertain et que jusqu´à la dernière minute du dépouillement, le suspense donnera des crampes abdominales à des téléspectateurs rivés à leurs téléviseurs, zappant sur les différentes chaînes d´information pour savoir lequel des partis en lice sera choisi et aura le privilège d´appliquer la politique du chef de l´Etat. Car il ne s´agit que de cela! Alors, pourquoi inventer des différences entre les chefs de file qui animent ces partis alors que, de toute façon, les carottes sont cuites et assaisonnées ailleurs? Tiens! Cela me fait penser à ces inoubliables séances de cinéma que nous avions, une ou deux fois par semaine, (eh oui! Il fut un temps où l´Algérie possédait plus de trois cent cinquante salles de cinéma, propres, bien entretenues, avec des films désopilants qui faisaient rêver la jeunesse...) Avant la projection du film proprement dit, on projetait des actualités (qui dataient d´une semaine environ, mais elles étaient toujours d´actualité, car la télévision n´avait pas encore infesté les foyers...) Ces actualités émanaient principalement des sociétés Pathé et Gaumont. Elles consistaient en nouvelles politiques, culturelles et sportives. Les événements étaient admirablement filmés et consistaient une entrée attrayante au spectacle qui allait suivre. Les séquences les plus appréciées étaient indubitablement les matches de catch. Que ce soit à deux ou à quatre, ils attiraient toujours la faveur du public. Imaginez une salle pleine de spectateurs en délire comme dans les grands matches de boxe, et deux gaillards qui entrent sous les applaudissements ou les huées de la foule. Attention, les lutteurs sont masqués, ou affublés d´un vêtement moulant et d´une cape. Ils font de grands gestes pour provoquer l´adversaire, bombent le torse, roulent des mécaniques ou font des acrobaties sur un coin du ring pour s´échauffer. La foule ne se retient pas et exige le combat final entre le Bien et le Mal, car les deux protagonistes ont pour surnom l´Ange blanc et le Bourreau de Béthune. L´un est en blanc, l´autre en noir. Je vous ferai grâce des péripéties de la lutte, de l´originalité des prises, du choc des corps sur le plancher, tandis que la fièvre monte du côté des spectateurs. Après les souffrances vécues par les deux sportifs, l´un demandera grâce ou sera mis hors-jeu par un arbitre dépassé. On sortait toujours de ce spectacle époustouflant avec des sensations très fortement imprimées dans l´esprit. Quand, plus tard, je fis la connaissance de Nasreddine El Acimi, grand animateur radio et télé, il m´assura que tous les matches de catch étaient truqués et que la savante chorégraphie des acrobaties qui se déroulait sous les yeux ébahis du public, était réglée comme sur du papier musique. Quelle désillusion! J´ai bien peur que les élections législatives ne soient qu´un match à 2, 4 ou 13. Mais en attendant, ce 3 mai, allons nous recueillir en silence sur la tombe de la Liberté de la presse. Qu´elle repose en paix! [email protected]