C´est une pratique devenue courante depuis quelque temps que d´organiser des séminaires, des conférences, des journées d´études, des stages, des portes ouvertes sur les fenêtres d´un avenir flou, des semaines, des colloques...enfin, des rencontres où des gens pleins d´usage et raison viennent expliquer aux éternels néophytes que nous sommes, la manière de battre le beurre ou de peindre la girafe...Il y eut même des journées d´écriture de scénario dans un pays où le cinéma n´existe presque plus. Il y eut des conférences pour améliorer la gestion des entreprises. Les rencontres les plus bénéfiques furent sans doute celles concernant l´écriture de l´Histoire car elles nous donnaient l´occasion de nous regarder en face, ou les journées médicales qui servent toujours à remuer le couteau dans la plaie de notre système de santé. Il faut parler aussi des colloques où l´on rend hommage à quelques chers disparus que l´on n´aimait pas du tout tant qu´ils étaient en vie. Mais que voulez-vous, les morts sont tous de braves types! Cette semaine, c´est cette bonne vieille ville d´Oran qui a abrité «une session de formation de techniques d´extraction et de traitement d´huile d´olive». A la bonne heure! Pour une fois des experts vont nous apprendre d´une manière scientifique ce que nous savions déjà faire empiriquement depuis des millénaires: faire de l´huile. Il faut dire que les Italiens sont passés maîtres dans l´art d´extraire l´huile: ils sont arrivés même à classer, tout comme les Français, les huiles comme les vins, selon le cru ou la qualité, elles sont AOC ou DOP. Peut-être que bientôt on aurait des millésimes! Dire que nous étions comme M.Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir. Il faut rappeler que l´Algérie, tout comme les autres pays méditerranéens, abrite depuis toujours cet arbre béni des dieux et qu´on appelle olivier. La mythologie grecque en a fait un arbre vénéré, symbole de paix, de sagesse et de pérennité. Les couronnes tressées de rameaux d´olivier ornaient les fronts des champions olympiques. Les religions monothéistes ont repris ce symbole: la colombe de l´Arche ramena un rameau d´olivier pour signifier à Noé la fin du courroux de Dieu. Cet arbre qui compte quelque 2000 variétés a rendu et rend toujours service aux populations chassées des riches plaines et qui vont se réfugier sur les sols ingrats et caillouteux. Sa rusticité lui permet de résister au froid, à la sécheresse et il peut durer des siècles. Si l´on excepte les variétés qui produisent des olives de bouche et qui ont été plantées dans les terres grasses de l´Ouest par les colons, les oliviers qui s´accrochent aux sols ingrats de la Kabylie ne nécessitent aucun soin. Ils ont été plantés là par on ne sait qui ou ils ont été greffés par un homme saint de passage (j´en ai connu un qui passait son temps à greffer les oléastres qu´il trouvait sur son passage) et ils font partie avec le figuier du paysage et de la vie quotidienne des montagnards dont l´existence est rythmée par les récoltes de ce précieux fruit qu´ils disputent aux étourneaux. Il faut se rappeler cette réflexion de feu Boumediene qui, en visitant les pentes dénudées d´une montagne de l´est du pays, n´a pas manqué de dire aux représentants des autorités locales: «Pourquoi ne faites-vous pas comme les Kabyles qui ont garni leurs montagnes d´oliviers?» Il faut dire que, passé Tizi Iqachouchen, sur la route de Sétif, l´olivier devient un arbre rare. Et je me demande toujours dans les nombreuses campagnes de reboisement, pourquoi on n´a jamais proposé aux volontaires des plants d´olivier. Et pourtant...!