«Mais je pense qu´il faut cesser de se lamenter sur son propre sort et regarder ce qui se passe actuellement sur la place publique: il y a un regain d´activité dans le domaine syndical et les salariés ont enfin compris qu´il ne faut pas baisser les bras et que seule la combativité de ceux qui triment pour gagner leur croûte, peut donner des résultats. Hier encore, le ministre de l´Education refusait de reconnaître les syndicats autonomes, aujourd´hui il traite avec eux et essaie de proposer des mesures d´apaisement qui ne satisfont point ceux qui ont été méprisés depuis si longtemps. Les grèves reprennent de plus belle et de nouveaux secteurs subissent un effet d´entraînement qui risque de plonger le pays dans une situation délicate. Après les enseignants, les travailleurs de l´enseignement et les praticiens en médecine, les cheminots et les travailleurs communaux joignent leurs voix pour une protestation générale contre les salaires insuffisants qui leur sont alloués depuis des années. Il faut dire que le régime a agi avec maladresse: il avait commencé à augmenter les salariés qui constituent ses principaux piliers. Alors, les autres secteurs ont fini par réagir et cela a fait boule de neige. Comme maladroit est l´argument qu´on présente à chaque fois qu´il y a une demande d´augmentation de salaire: la production hors hydrocarbures n´ayant pas augmenté, l´immense masse des salariés doit payer les frais d´une politique industrielle inexistante. Et le plus révoltant dans l´affaire est qu´on présente certains postes de travail comme plus importants que d´autres. C´est ce qui a mis le feu aux poudres: cela se voit bien que ceux qui nous débitent tous les jours des demi-vérités n´ont jamais entendu parler de l´apologue des membres et de l´estomac. Je tiens à te rappeler qu´il faut toujours revenir à l´histoire de Rome: quand les plébéiens, sous le régime de la République, ont vu les praticiens confisquer tout le pouvoir à Rome, ils se sont retirés sur le mont Aventin, sur l´une des collines qui entouraient la cité: c´était leur manière de faire grève. Les praticiens se sont retrouvés ainsi sans tous les petits métiers qui ont fait le charme de la ville éternelle. Ils ont vite fait d´appeler un médiateur et de concéder quelques droits aux plébéiens pour qu´ils réintègrent leurs pénates. C´est l´éternelle histoire de l´offre et de la demande sur le marché du travail. Aucun métier, aucun poste de travail n´est plus important qu´un autre. Tous sont utiles et complémentaires. On a vu ce que peut être une ville où les éboueurs sont en grève: les ordures s´accumulent, les mauvaises odeurs se propagent et des risques d´épidémies planent sur la population. Il en va de même pour les transports et tous les secteurs vitaux de l´activité économique.»