Réagissant au projet de réforme constitutionnelle annoncée par le souverain marocain, Dris Sedraoui, président de la Ligue marocaine pour la citoyenneté et la défense des droits de l´homme ((Lmcddh), a soutenu qu´il y a certes, un changement dans le langage du roi, mais pas dans les idées. Selon lui, la nouvelle Constitution ne fait que constitutionnaliser les pouvoirs du roi et consolider son statut religieux. L´Expression: Quelle lecture faites-vous du nouveau projet de réforme constitutionnelle annoncé par le souverain marocain? Dris Sedraoui: Le projet de réforme constitutionnelle annoncé par le roi ne reflète pas les attentes du peuple marocain. Les revendications du peuple sont claires et précises. Il a demandé, et le fera encore, l´instauration d´une «Monarchie constitutionnelle», laquelle pourrait consacrer la constitutionnalisation de tous les droits de l´homme. D´autant plus que cela implique la présomption d´innocence, la criminalisation de la torture, la détention arbitraire et toutes les formes de discrimination ainsi que les pratiques humiliantes pour la dignité humaine, les disparitions forcées, ainsi que la garantie de la liberté de la presse, d´expression et d´opinion. Aussi, faut-il le signaler, le projet de réforme constitutionnelle proposé par le roi n´est pas issu d´un dialogue réellement ouvert. Car, il y a eu de l´exclusion. Donc cela dit, la commission qui a été chargée par le souverain d´établir des réformes constitutionnelles ne s´est entretenue qu´avec les courants qui avaient déjà cautionné l´ancienne Loi fondamentale du Maroc. Donc, s´il y avait une réelle volonté d´élaborer une nouvelle Constitution, on aurait pu commencer par ouvrir le champ des libertés et un débat général, impliquant toutes les forces vitales du pays. Dommage! ce n´est pas le cas au Maroc. Pourtant, nous avons tant espéré que le roi réponde aux attentes des Marocains. Lesquels veulent sortir du vieux carcan de la royauté, accordant le statut de sujet aux Marocains. Aujourd´hui, les Marocains veulent vivre, à leur tour, leur temps. Un temps de modernité porteur de changements et de liberté. Donc, vous estimez que le projet de réforme constitutionnelle ne répond pas aux attentes des Marocains? En effet, la preuve, on y est. La grogne au Maroc reprend de plus belle. Aujourd´hui, les défenseurs des droits de l´homme, les syndicats, mais surtout le Mouvement du 20 février ne comptent pas se taire ou décolérer. La grande marche organisée, au lendemain de l´annonce du nouveau projet de réforme constitutionnelle, par les jeunes Marocains, activant au sein du Mouvement, en est une preuve. Ces derniers sont, d´ailleurs, foncièrement soutenus par les organisations des droits de l´homme et syndicales, mais aussi par le peuple. D´ailleurs, il faut noter que le peu de changements annoncés par le roi, revient en partie à leur mobilisation permanente, laquelle s´inscrit dans le sillage des vents des libertés qui soufflent sur le Monde arabe. Donc, les minces réformes annoncées ne sont pas un don du roi, mais le fruit du sacrifice de plusieurs milliers de Marocains. Par ailleurs, il faut dire également que contrairement au discours officiel préconisant soi-disant le respect des libertés, les Marocains vivent encore sous le joug de la répression. C´est dire que la répression est toujours appliquée et monte en puissance. Les manifestations continuent d´être réprimées, les arrestations politiques sont recensées, de lourdes peines sont prononcées contre les manifestants, sans oublier le lourd jugement d´emprisonnement prononcé contre un journaliste. Où est la bonne volonté dans tout cela. En somme, vous soutenez que rien n´a changé... En tous les cas, le changement attendu par les Marocains n´a pas encore vu le jour. Car les Marocains veulent, et ils l´ont signifié dans leurs marches et dans leurs discours, une «Monarchie constitutionnelle», permettant au peuple marocain de sortir de la théorie du sujet pour vivre enfin pleinement sa citoyenneté. Donc, il convient de souligner que rien n´a changé pour le moment. Le roi demeure encore le maître absolu et détient tous les pouvoir décisionnels. Accessoirement, il y a une avancée dans le langage du roi, mais pas dans ses idées. Car, il est égal à lui-même, le roi détient toujours l´essentiel des pouvoirs. Le roi demeure le principal décideur, qui ne peut être jugé ni poursuivi pénalement. Cependant, nous de notre côté, nous continuons de militer pour l´abrogation de l´article 19 de l´ancienne Constitution consacrant l´inviolabilité et la sacralité du statut du roi, un concept aux interprétations diverses et ouvertes, et il se trouve que la nouvelle Constitution ne fait que constitutionnaliser les pouvoirs du roi et consolider son statut religieux.