«L'illusion est au coeur ce que l'oxygène est à l'appareil respiratoire.» Maurice des Ombiaux "Extrait de Le Guignol de l'Après-Guerre" Triste épisode dans le parcours de la première chaîne française cryptée Canal+. La chaîne qui a révolutionner le paysage audiovisuel français va vivre l'un des épisodes judiciaires les plus noirs depuis sa création en 1984. On a appris que l'un des créateurs des Guignols de l'info était espionné par sa propre direction à Canal+. En effet, d'ex-responsables de la sécurité de la chaîne de Canal+ sont soupçonnés d'avoir espionné au début des années 2000 le père des Guignols de l'info, Bruno Gaccio, alors qu'il était en conflit avec la direction du groupe. Après cinq années d'enquête, en août 2010, la chaîne cryptée avait été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Paris pour «complicité d'atteinte à la vie privée». Le tribunal jugera M. Kaehlin, Borelli et Martinet ainsi qu'un ancien policier et un agent de France Télécom, soupçonnés d'avoir transmis aux services de sécurité de Canal+ des listes d'appels du portable de M. Gaccio. Ce dossier «concerne une époque troublée et révolue de la chaîne», il considère que «ce procès doit avoir valeur d'exemple». «Les faits dont a été victime Bruno Gaccio sont très graves. Ils sont d'autant plus inadmissibles qu'ils ont eu lieu au sein d'une entreprise incarnant la liberté, et que les moyens utilisés pour lui nuire donnent froid dans le dos», affirme Me Temime, l'avocat du maître des Guignols. Selon M. Martinet, les deux responsables de la sécurité du groupe lui avaient demandé en 2002 d'enquêter sur Bruno Gaccio, à l'époque une des figures de proue de l'opposition d'une partie des salariés de Canal+ à la direction du groupe, alors assurée par Xavier Couture. Après avoir demandé à M. Martinet de constituer un dossier à base de filatures, d'écoutes et d'interceptions de courriers électroniques, MM. Kaehlin et Borelli auraient également projeté, selon l'ancien agent de la Dgse, de piéger Bruno Gaccio, surnommé "Golf". Les responsables de la sécurité de Canal+ auraient ainsi envisagé de cacher de la cocaïne dans le scooter de l'humoriste, d'engager une prostituée qui l'aurait ensuite accusé de viol, voire d'agresser physiquement M. Gaccio, partie civile dans cette affaire. Au total, une dizaine de salariés de Canal+, dont Michel Rocher, ancien directeur technique de Studio Canal, le studio cinéma de Canal+, auraient fait l'objet de surveillances, selon Pierre Martinet, qui dit avoir conservé des documents attestant ses dires. Gilles Kaehlin, qui a démissionné du groupe en 2005, avait affirmé n'avoir rencontré Pierre Martinet que quatre ou cinq fois et expliqué que ce dernier avait filé Michel Rocher «par excès de zèle». S'il reconnaît avoir consulté le listing du téléphone professionnel de ce dernier, il dément en revanche toute enquête sur Bruno Gaccio, qui a quitté les Guignols en 2007. C'est un livre d'un ancien employé des services de sécurité de la chaîne et ex-agent de la Direction générale de la sécurité extérieure (Dgse), Pierre Martinet, qui avait révélé l'affaire en 2005: l'auteur y affirmait avoir personnellement filé et photographié Bruno Gaccio à la demande de l'ancien responsable de la sécurité de Canal+, Gilles Kaehlin, et de son adjoint, Gilbert Borelli. L'ancien auteur des Guignols avait aussitôt déposé plainte. Même si cette affaire n'a rien à voir avec une quelconque censure des Guignols, après l'affaire de France 24, cette nouvelle affaire à Canal+ révèle les méthodes dignes des films de James Bond et qui éclabousse encore plus l'environnement audiovisuel français. [email protected]