Halida Boughriet devant son oeuvre Exposition, table ronde et concert de musique classique, le programme artistique se veut bien riche et éclectique. A découvrir. Le Musée national d'art moderne et contemporain d'Alger (MaMa) accueille depuis samedi dernier la 3e édition du Festival international d'art contemporain d'Alger (Fiac). Organisé sous la tutelle du ministère de la Culture avec le concours des services culturels de l'ambassade de France, le Fiac comprend une programmation aussi bien riche que variée. En effet, outre l'exposition qui se tient sur deux niveaux, plusieurs tables rondes, au menu, ont eu lieu hier, dirigées par des commissaires d'expositions et critiques d'art internationaux. Les intervenants ont été invités à débattre autour de la place et le rôle des biennales du Sud dans la cartographie artistique internationale, les enjeux du parrainage occidental des biennales et festival du Sud, la question de l'identité des biennales et festivals du Sud et notamment de l'éventuelle inégalité de l'échange dans la diffusion et promotion de la production artistique internationale. Placé sous le thème bien vaste, abstrait social et philosophique du «Retour», le 3e Fiac a pour ambition de faire «promouvoir l'art contemporain en Algérie et dans le monde entier, en créant un croisement et une confrontation entre différentes positions esthétiques et discours artistiques portés par les artistes et leurs oeuvres». Le festival permet ainsi au public algérien de découvrir les créations contemporaines dans le domaine des arts visuels en provenance d'Europe, d'Amérique, du Moyen-Orient, d'Asie et d'Afrique. Plus d'une vingtaine de participants de différents pays dont la Palestine, le Liban, l'Irak, la Turquie, l'Allemagne, la Roumanie, la Russie, la Corée, le Pakistan, le Sénégal, le Cameroun, le Maroc, la Tunisie, le Paraguay, la Serbie et l'Algérie, prennent part à ce festival. En marge du 3e Fiac, le MaMa et Ecume (Echanges culturels en Méditerranée), association basée à Marseille, organisent un cycle de concerts de musique intitulé «Figures sonores», mettant à l'honneur le répertoire musical du XXe siècle à travers les grandes oeuvres et courants musicaux qui ont marqué le siècle dernier et d'en démontrer l'évolution jusqu'à nos jours. Ces derniers débuteront le samedi 10 décembre à 18h. S'agissant de l'exposition qui comprend photos, installations et vidéos, une large palette d'oeuvres plus au moins intéressantes et rivalisant d'ingéniosité sont offertes au regard du visiteur. Si comme l'explique si bien Paul Ricoeur, l'art permet de montrer que la condition de se concevoir en tant qu'identité est le retour à soi, l'oeuvre de l'Irakien Sadik Al Fraji à travers «la maison construite par mon père» est patente de vérité. Dans une vidéo illustrant des dessins naïfs en noir et blanc (à l'intereur d'un carré représentant le foyer) et au-dessus desquels est penché un grand homme en noir, l'artiste revient sur les souvenirs qu'il garde de son père comme une image innocente, un écho qui refait surface à chaque fois qu'il remet ses pieds tremblotants, dans cette maison que son père a construite après de longues années d'expatriation. «C'est ce qui reste de mon père! Quelques objets, des centaines de souvenirs, un amour qui emplit encore de deuil, les yeux de la mère et de nombreux contes inachevés», écrit-il dans un touchant poème. Pour sa part, la Tunisienne Amel Ben Attia explore à travers une vidéo filmée à l'aide de son téléphone pendant le couvre-feu suite à la révolution tunisienne, les inquiétudes de sa population, tout en filmant des Tunisiens en train de discuter dehors en pleine rue, la nuit. «Depuis le colonialisme, l'Histoire est faite de voyous et de corrompus» entendons-nous. D'une âme tourmentée, la vidéaste nous confiera avoir peur pour l'avenir de son pays et de ses enfants. Aujourd'hui, l'histoire de la Tunisie prend un nouveau virage. Amel Ben Attia avoue que le pays a changé et les mentalités avec. Les gens tentent de se protéger. Mais de qui? Est-ce le retour de la «terreur»? Pour sa part, Halida Boughriet, fille d'immigrés algériens, née et vivant en France, interroge le passé de façon bien détournée et insolite, presque insolente. Dans un triptyque de photos, nous découvrons des vieilles femmes qui ont connu la guerre et la lutte pour l'indépendance, celles-ci sont couchées sur un lit vu de dos pour certaines comme les fameuses odalisques dans les tableaux orientalistes. Baignées de lumière du jour, ces visions de femmes, habillées en outre font le contre-pied et même le pied de nez à ce courant en ayant recours à une interprétation moderne libre et décalée de ces peintures d'esclaves vierges de l'époque ottomane. Une idée assez originale pour cette Algérienne bien attachée à ses origines, qui adopte un retour aux sources en axant son admiration sue ces femmes courage d'antan et d'aujourd'hui par la vertu de l'art. Dans Le retour de la princesse, l'artiste, qui nous vient du Paraguay, dénonce dans son installation, une multitude de nuisettes en voile, tantôt blanches, tantôt rouges, le diktat de la femme objet qui impose à celle-ci d'être belle partout et à chaque occasion.. Un monde hélas, fait de clichés qui ne fait pas de cadeau à la femme, mais qui continue depuis des siècles à perpétuer cette tradition d'image de la poupée, relayée même par des stratégies de marketing et dans les médias. Une autre proposition artistique des plus parlantes à nous Algériens, et bourrée d'humour, est incontestablement celle de l'Algérien Zineddine Bessaï. Dans une grande installation murale, l'artiste issu de l'Ecole des beaux-arts dresse une cartographie des harraga, avec des typographies simples destinées à tous les jeunes qui aspirent à quitter le pays. Les typographies des lieux sont en outre notées comme on les entend dans la rue, soit dans la langue dialectale. «Le projet que je présente est H Out. H en référence à hout, ou poisson et cette fameuse expression, «yakoulni lhout ou mayeklniche edoud». H Out est en référence à harba et harraga. J'ai essayé d'aborder ce phénomène d'El harraga, en toute objectivité, sans juger, tout en dénoncer les pratiques auxquelles ont recours ces brûleurs, victimes d'un système qui abandonne ses enfants tout en utilisant par ailleurs, de l'humour d'où le langage utilisé pour être compris par tous les jeunes», nous a confié l'artiste. Beau projet de fin d'études qui n'est pas passé inaperçu, ici au Mama!