La remise en état d'un appareil judiciaire exsangue est devenue l'impératif de l'heure. Et pour cause! Après le risque pris, vendredi dernier, de l'ouverture d'une crise institutionnelle, suite à la décision prise par un comité restreint, (réuni en dehors des heurs légales de travail), d'interdire le congrès extraordinaire du FLN, il fallait s'attendre à une réaction en chaîne de la part des hommes de loi choqués par les manquements et les libertés prises avec une Justice dont le fonctionnement suscite maintes interrogations de la part tant des magistrats, des avocats, des hommes politiques que du simple citoyen. Où va la justice algérienne? Tel et le credo qui revenait comme un leitmotiv ces derniers jours suite au coup de force contre le FLN. Et du coup, ce sont les partis politiques qui ont peur. En effet, s'il est possible de remettre en cause la légalité et la légitimité DU parti FLN, voire de le «casser» qu'en sera-t-il demain du pluralisme politique et des petits et grands partis qui se sont fait une place à l'aune de l'ouverture politique de cette dernière décennie? En réalité, la tentative de museler la direction, légalement élue, du vieux parti révolutionnaire, dépasse le seul cas du FLN, et interpelle l'ensemble de la classe politique mise devant le fait accompli ou le fait du prince. L'interdiction du congrès extraordinaire du FLN, les tentatives d'invalider le VIIIe congrès de ce parti, participent en fait à détruire le peu de crédit qui pouvait encore subsister quant à l'indépendance d'une justice en fait phagocytée et manipulée à l'extrême. La gravité de la situation induite par le coup de force de vendredi, sinon a laissé le président de la cour d'Alger, Mohamed Zitouni, sans voix, l'a du moins suffoqué, excipant du fait qu'en tant que premier responsable de cette juridiction, il n'a «désigné aucun magistrat pour prendre une telle décision (l'interdiction du congrès du FLN)». Ce qui lui fait dire: «Nous sommes devant une situation où les procédures légales et normales ont été clairement violées». Avis largement partagé par le secrétaire général du Syndicat national de la magistrature (SNM), Mohamed Ras El Ain, qui constate qu'il y eu «violation de la procédure judiciaire», énumérant ce qui, selon lui, constitue un manquement avéré, en rappelant que, dans un tel cas d'espèce, les deux parties devaient être présentes, ce qui n'a pas été le cas, seuls étant présents les plaignants, ensuite, indique-t-il, il y a le fait que le procureur n'ait pas informé de la procédure le président de la cour d'Alger, premier concerné pour toute affaire qu'elle que soit sa nature, enfin, selon le secrétaire du SNM, «rien ne justifie l'urgence ni la célérité de l'annonce». De fait il apparaît d'après ce qui précède que la Justice n'a pas été mise dans les conditions de sérénité qui lui seyait, pour réellement jouer son rôle, d'où le soupçon d'instrumentation de cette Justice qui, à l'évidence, a encore à gagner son indépendance. C'est là le noeud gordien de l'affaire, car il devient aujourd'hui urgent de réformer l'appareil judiciaire algérien pour lui garantir son indépendance par rapport à l'Exécutif, un impératif désormais incontournable. Ces dernières années il y eut en effet trop de dérapages, dont l'affaire Sider en est l'un des exemples les plus probants, pour se suffir d'une Justice handicapée, sinon instrumentée, et mise dans l'incapacité de garantir aux citoyens, aux partis politiques et à la société, d'une manière générale, la protection que leur assurent les lois de la République.