«Le conflit syrien est comme un immeuble de plusieurs étages: il y a d'abord la guerre interne, puis ensuite toutes les confrontations géostratégiques», résume l'ambassadeur de la Ligue arabe en France. Au moment où le bilan des morts s'alourdit chaque jour un peu plus en Syrie, où le médiateur international Lakhdar Brahimi effectue une mission «extrêmement difficile», l'impasse est totale dans un conflit dont «personne n'a la clé», admettent des diplomates et experts. A peine arrivé à Damas jeudi, M.Brahimi, qui doit rencontrer le président syrien Bachar Al Assad pendant sa visite de trois jours, a déjà reconnu que la crise «s'aggravait», même s'il a assuré qu'il «n'épargnerait aucun effort pour trouver une solution». Mais face à la violence «ahurissante» en Syrie où les morts se comptent quotidiennement par dizaines voire par centaines, la diplomatie n'offre aucune réponse convaincante. Au contraire. «Nous sommes les otages d'intérêts géostratégiques complexes», accusait en début de semaine le père Paolo Dall' Oglio, un jésuite expulsé de Syrie au printemps, tandis qu'un autre Syrien à Paris évoquait une «monstrueuse realpolitik» internationale. «Le conflit syrien est comme un immeuble de plusieurs étages: il y a d'abord la guerre interne, puis ensuite toutes les confrontations géostratégiques», résume l'ambassadeur de la Ligue arabe en France, Nassif Hitti. Confrontations entre Iran et Turquie qui aspirent à devenir les acteurs clés de la région, entre Arabes sunnites et Iran chiite, entre Occidentaux et Iran déjà engagés dans un bras de fer sur le nucléaire, entre Occidentaux et Russes... «Les questions stratégiques sont aussi cruciales pour ceux qui veulent la chute d'Assad que pour ceux qui veulent son maintien», résume M.Hitti, tandis qu'un diplomate occidental évoque «un jeu de multiples influences dont personne n'a les clés». «Cela devient de plus en plus un conflit par procuration, alors que sur le terrain la situation semble gelée», reconnaît un diplomate français. Depuis le début du conflit en mars 2011, les positions internationales sont figées. Les Russes, fidèles soutien de Damas, «ne bougent pas», et l'échéance électorale américaine de novembre contribue à la «paralysie» du Conseil de sécurité de l'ONU, poursuit cette source. «Personne ne croit que le régime de Bachar va tenir, mais personne ne sait quand il tombera», résume ce diplomate. Les initiatives et déclarations se multiplient, pourtant. Sanctions économiques contre Damas, rencontres tous azimuts, créations de groupes sur la Syrie, encouragements à l'opposition pour qu'elle s'unisse, voire promesse de reconnaissance d'un futur gouvernement transitoire représentatif, comme l'a annoncé la France fin août. Des idées mortes-nées ont également été lancées, telles la création de zones-tampons pour les déplacés syriens et de zones d'exclusion aérienne. «Pour l'essentiel, la communauté internationale ne fait que ressasser des idées pour donner l'impression de chercher des solutions, auxquelles elle ne croit pas vraiment», estime Peter Harling, spécialiste de la Syrie à l'International Crisis Group. «L'isolement diplomatique, l'opprobre médiatique, les sanctions économiques et les désertions de personnalités - qui n'appartiennent pas au noyau dur - affectent peu le régime» de Damas, ajoute-t-il. La seule nouveauté, selon M.Harling, réside dans l'initiative égyptienne d'aborder la question dans un cadre régional incluant l'Iran. Mais elle se heurte au scepticisme des grandes puissances qui réclament que Téhéran se conforme d'abord à ses obligations internationales concernant le nucléaire. «Je ne crois pas qu'il y ait grand chose à faire concernant la Syrie. Les options (pour ceux qui souhaitent le départ de Bachar Al Assad) sont limitées, même si la diplomatie n'est pas morte», estime Aytham Kamel, du think tank Eurasia Group. Pourtant, le conflit «menace de plus en plus la stabilité régionale», souligne-t-il, tandis que Peter Harling énumère les problèmes qu'il a déjà engendrés: «tensions intercommunautaires, combattants radicalisés, effondrement des institutions».