Ali Zidane La conjoncture particulière que traverse la région impose l'aspect sécuritaire comme étant l'élément clé de cette visite de deux jours. Pour sa première sortie à l'étranger, le chef du gouvernement libyen, Ali Zidane, a choisi Alger. Par ce choix judicieux, M.Zidane vient de damer le pion à son homologue tunisien, Hamadi Jebali, qui a fait un long détour qui l'a mené de l'Egypte à la Libye en passant par l'Italie avant d'atterrir à Alger. Une fausse note vite rectifiée une fois M. Jebali à Alger. Ayant bien accordé son orgue, le chef du gouvernement libyen a ajouté une belle mélodie d'amour à sa symphonie en déclarant à son arrivée à Alger: «Nous désirons gagner le coeur de l'Algérie et nous disons à nos frères en Algérie que notre relation doit être une relation de fraternité et de coopération». Il ajoute que «ma visite en Algérie vient consolider les valeurs de nationalisme et d'arabité que la Révolution algérienne nous a apprises», avant de souligner qu'il a «choisi l'Algérie pour ma première sortie pour concrétiser ces valeurs dans les faits et édifier un avenir prometteur dans le cadre de la coopération, l'entente, le respect mutuel et la non-ingérence dans les affaires internes». Ces déclarations protocolaires étant faites, décryptons maintenant le sens de cette visite de deux jours à Alger. Elle a lieu une semaine après celle effectuée par autre Premier ministre, le Tunisien Hamdi Jebali. Elle intervient dans un contexte régional extrêmement tendu avec la crise au nord du Mali, et la circulation d'armes dans cette région provenant essentiellement de la Libye. Ensuite, cette visite coïncide avec un défilé incessant de responsables occidentaux à Alger à cause justement de cette crise au Sahel. Deux aspects donc sous-tendent cette visite particulière. Le premier consiste à assainir les relations entre les deux pays, tendues depuis le début de la révolte en Libye jusqu'à la chute du régime El Gueddafi. Fidèle à son principe immuable, l'Algérie avait refusé de s'ingérer dans les affaires internes de ce pays voisin avec qui elle partage près de 900 km de frontières. Un principe qu'a rappelé hier, M.Zidane quand il a déclaré que les relations entre les deux pays «doivent être bâties sur l'entente, le respect mutuel et la non-ingérence dans les affaires internes». Il convient donc aujourd'hui de dépasser les susceptibilités qui ont suivi la chute du régime d'El Gueddafi. Beaucoup de choses ont été dites et écrites. Depuis, Alger et Tripoli se regardent en chiens de faïence. Il a fallu un simple match de football pour que l'atmosphère délétère revienne en surface et altère des relations politiques et fraternelles entre les deux pays qui remontent à l'époque du roi Senoussi, d'origine algérienne, et qui a largement appuyé et soutenu la Révolution algérienne. Il était donc temps de dissiper ces nuages d'été et d'ouvrir une nouvelle page des relations bilatérales. Les dirigeants libyens doivent comprendre que la stabilité de leur pays dépend directement de la stabilité de la région de même que la stabilité de l'Algérie se trouve intimement liée à celle de ses voisins. Ce qui nous amène au second aspect, le plus important, de cette visite: l'aspect sécuritaire qui vise particulièrement la sécurisation des frontières entre les deux pays. Il y a donc un ordre du jour conjoncturel qui est celui de la sécurité aux frontières. L'Algérie a décidé de mettre le paquet et les moyens qu'il faut pour défendre ses frontières. De l'avis de tous les observateurs de la scène sécuritaire, les frontières avec la Libye sont très poreuses. Ce qui a conduit à une très grave circulation d'armes issues des stocks achetés par El Gueddafi. Ces armes éparpillées dans la nature constituent une menace directe pour la sécurité interne de l'Algérie. Pour illustrer la gravité du danger, le Dr Abdelhafid Dib, professeur à la Faculté des sciences politiques et de l'information d'Alger, avance le fait que la Libye a déboursé, de 1973 à 2010, une bagatelle de 30 milliards de dollars en achats d'armes, avions de chasse y compris. Dans cet arsenal, ajoute le professeur, il y a 18 milliards de dollars d'armes d'assaut, de bombes et de munitions. On se pose alors des questions: que font les services de sécurité libyens pour empêcher que d'autres armes n'atterrissent en Algérie et en Tunisie? Que font-ils pour lutter contre les réseaux dormants d'Al Qaîda sur son territoire? Pourquoi la coordination entre les deux services de sécurité peine-t-elle à se mettre en place? Ce sont autant de questions qui seront abordées lors de cette visite qui intervient à un moment crucial. Le général de corps d'armée Gaïd Salah reçoit son homologue libyen Dans le cadre de la visite officielle en Algérie d'une délégation libyenne, conduite par le Premier ministre Ali Zidane, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire, a reçu en audience, hier, au siège de son état-major, son homologue le général-major Youcef El-Mangouch, chef d'état-major de l'armée libyenne. Cette audience s'inscrit dans le cadre de la poursuite du développement des relations de fraternité et d'amitié entre les forces armées des deux pays et a été l'occasion d'aborder les questions d'intérêt commun.