Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a sommé, dimanche, l'Irak de cesser d'autoriser les vols reliant l'Iran et la Syrie à pénétrer son espace aérien, suspectant qu'ils transportent des armes, lors d'une visite surprise à Baghdad. M. Kerry s'est également inquiété des répercussions de la vague de protestations de la minorité sunnite qui, ulcérée par sa «marginalisation», bat le pavé depuis trois mois dans les régions où elle est majoritaire. Cette visite, la première d'un chef de la diplomatie américaine depuis avril 2009, intervenait quelques jours après le dixième anniversaire de l'invasion du pays, conduite par les Etats-Unis, qui a abouti à la chute du régime de Saddam Hussein mais n'a pas permis d'ériger la démocratie modèle rêvée par l'ex-président George W.Bush. L'Irak est quotidiennement endeuillé par des violences perpétrées pour la plupart par les insurgés sunnites, dont Al Qaîda en Irak, et rongé par l'instabilité politique et la corruption. «J'ai très clairement dit au Premier ministre que les survols d'appareils partis d'Iran contribuaient à soutenir le président Assad et son régime», a déclaré M. Kerry à des journalistes à l'issue de sa rencontre avec M. Maliki. «Tout ce qui aide le président Assad pose problème», a-t-il ajouté, en insistant: Washington «observe ce que fait l'Irak». «J'espère que nous pourrons progresser sur ce dossier», a-t-il conclu. Les Etats-Unis sont excédés de voir Baghdad «fermer les yeux» sur ces survols, avait récemment expliqué un haut responsable américain. D'autant plus que l'administration Obama n'a cessé ces derniers mois de demander à l'Irak de contrôler la cargaison des avions de fret traversant son espace aérien en provenance d'Iran et à destination de Syrie, suspectant qu'ils puissent transporter des équipements militaires pour le régime de Damas. Washington accuse l'Iran de fournir des armes au régime syrien, son principal allié dans la région auquel il a apporté un soutien indéfectible depuis le début du conflit, il y a deux ans. L'Irak, qui n'a jamais appelé au départ de Bachar al-Assad, a annoncé avoir fouillé par deux fois, et en vain, des appareils iraniens en octobre. Inquiet de voir la vague de protestation sunnite peser sur le climat politique, John Kerry a également exhorté Nouri al-Maliki, un chiite, à oeuvrer à une meilleure intégration des sunnites, en «revenant» en particulier sur le report d'élections provinciales dans deux provinces à majorité sunnite. Selon M. Kerry, le Premier ministre a jugé «pertinent» de revoir cette décision. Pour Washington, cette visite était aussi porteuse d'une symbolique forte. Depuis le retrait des troupes américaines en décembre 2011, l'influence américaine s'est tassée et les Etats-Unis craignent que le voisin iranien en ait profité pour faire progresser ses pions à Baghdad. L'ancien ambassadeur américain en Irak Ryan Crocker a d'ailleurs plaidé jeudi, lors d'une conférence à Washington, pour que l'administration de Barack Obama s'implique davantage en Irak. «Nous devons tirer tous les avantages de notre accord de partenariat stratégique pour augmenter notre poids politique (...) afin de montrer à l'Irak qu'il a un partenaire, un allié et d'autres choix que de se tourner vers l'Iran», avait déclaré le diplomate.