Hier, la grogne est allée crescendo, avec la participation de tous les syndicats du secteur public Alors que le brasier continue de se consumer, le Premier ministre turc semble subir de plein fouet l'effet boomerang de son implication active dans le conflit syrien. Même si lors de son discours à l'APN, il a soufflé le chaud et le froid... La place Taksim, qualifiée,à la faveur des manifestations en cours, de place Tahrir turque, ne désemplit pas. C'est le coup de l'arroseur arrosé. Présentée comme un modèle politique pour les pays arabes, qui venaient de sortir de leurs «révolutions», la Turquie semble être rattrapée par ses propres contradictions. Au point où la Syrie voisine n'hésite pas à saisir l'occasion au vol, tournant en dérision ce retour de flammes. «Tel est pris qui croyait prendre.» Place Taksim, ce haut lieu de la contestation, symbolise aussi la «division» entre l'AKP de Recep Tayyip Erdogan et la mouvance laïque et moderniste du pays d'Atatürk. La contestation, dont la première étincelle est générée par l'entêtement du gouvernement à y implanter un espace vert et une mosquée, n'est en réalité que l'arbre qui cache la forêt. Pour cause, hier au sixième jour des manifestations, et en dépit des excuses présentées aux manifestants par le vice-Premier ministre turc, Bülent Arinç, aux victimes des brutalités policières et surtout la reconnaissance par le président Abdullah Gul de la légitimité du soulèvement, remet au goût du jour les rivalités au sein même de cette même famille politique. D'abord, cette sortie du vice-Premier ministre, mardi, au lendemain d'une nuit de violences marquée par la mort d'un deuxième contestataire. Il a qualifié de «légitimes» les revendications des écologistes à l'origine des troubles. Comme il a adopté un ton conciliant, à l'opposé du ton ferme d'Erdogan. Désavouant son «chef», M.Arinç a assuré que son gouvernement respectait «les différents modes de vie» des Turcs. «Nous n'avons pas le droit ou le luxe d'ignorer le peuple, les démocraties ne peuvent pas exister sans opposition», a également souligné M.Arinç, promettant que son gouvernement avait «retenu la leçon» de ces événements. Ce discours a tranché avec l'intransigeance de M.Erdogan qui, sûr de son poids politique, a balayé les critiques et renvoyé ses détracteurs aux élections locales de 2014. «A mon retour de cette visite, les problèmes seront réglés», a-t-il lancé, sur un ton provocant, lundi à Rabat. Justement, le départ de M.Erdogan pour le Maghreb, en pleine contestation, a été assimilé par la classe politique turque comme étant du mépris à l'égard du peuple. Ce qui n'a fait qu'ajouter de l'huile sur le feu. Hier, la grogne est allée crescendo, avec la participation de tous les syndicats du secteur public et la Confédération syndicale des ouvriers révolutionnaires. Ces derniers ont même tenté de se diriger vers les bureaux de M.Erdogan, cible à abattre des manifestants. Ils seront empêchés par les forces antiémeute, déployées en force dans les principales villes du pays, à savoir Ankara et Istanbul. A noter que de violents affrontements avaient opposé dans la nuit de lundi à mardi la police aux manifestants à Istanbul, Ankara ou Izmir, faisant de nombreux blessés. Le bilan est lourd. Hormis les deux personnes décédées dimanche et lundi, les violences des quatre derniers jours ont fait plus de 1500 blessés à Istanbul et au moins 700 à Ankara, selon les organisations de défense des droits de l'homme et des sources hospitalières. Les choses se sont encore envenimées davantage, hier, quand les représentants de la contestation ont réclamé au gouvernement le renvoi des chefs de la police de plusieurs villes du pays, dont Istanbul et Ankara, pour avoir fait un usage excessif de la force contre les manifestants. Il est, somme toute, clair que l'élection présidentielle de 2014, constitue l'enjeu capital de la «révolution» turque. Erdogan, qui a récolté 50% des voix aux élections générales de 2011, semble être sûr de lui, en usant d'un ton virulent. «Pas question de céder aux extrémistes ou à une bande de vandales», dit-il. Alors que le brasier continue de se consumer, le Premier ministre turc semble subir de plein fouet l'effet boomerang de son implication active dans le conflit syrien. Même si lors de son discours à l'APN, il a soufflé le chaud et le froid: «Ces situations de crise exigent un maintien permanent de la concertation et de dialogue entre tous les pays de la région, et ce, dans le but de favoriser les processus inclusifs de réconciliation nationale», a-t-il poursuivi. Plus précis, il ajoute: «Il faut un dialogue sans toutefois interférer dans les affaires internes des nations souveraines et dans le respect de la légalité internationale.»