«N'ayez crainte, allez voter pour le changement, l'armée a définitivement lâché Bouteflika.» Svelte, une élégante posture de garde à vous, le regard toujours aussi perçant, Houari Boumediene de bronze perché sur un grès chaoui avec son burnous au centre de Guelma regarde éternellement son pays avec la même fierté. Rassou rafaâ ya bba ! face à ses visiteurs qui prend les autres sur cette rive où l'on s'impatiente parce qu'on est ambitieux, mahgour ou obscur. Il les enveloppe de son charisme, les met sur le radeau de son aura et ils repartent déterminés, lui il reste seul figé pour l'éternité en face du siège de la wilaya de Guelma. La stèle en bronze du président Houari Boumediene a été inaugurée l'année passée par Abdelaziz Bouteflika. «Les Guelmis ne pardonneront jamais à Bouteflika le comportement qu'il a eu devant ce géant quand il est venu inaugurer cette stèle», affirme Rafik, avocat à la ville de Guelma «sans même oser regarder dans les yeux cette statue», se souvient l'avocat. La première halte du candidat du FLN lors de son périple de campagne, hier, à l'Est, a été la visite du mausolée de Boumediene et le dépôt d'une gerbe de fleurs avant d'animer une série de meetings successivement à Guelma, Oum El-Bouaghi et à Khenchela. Evoluant dans un territoire qui lui est presque acquis, Benflis a été triomphalement accueilli par les trois wilayas. «Bouteflika ch'baâna, nous voterons pour Benflis, car après tout il est des nôtres», clame un citoyen euphorique. Expliquant les grandes lignes de son programme, Benflis a fait un crochet, lors du meeting à Guelma, sur les événements qui se sont déroulés à Sfax. Il révèle à ce propos : «Un haut responsable algérien s'est réjoui de la bastonnade des siens par la police tunisienne». De toute évidence, le «haut» responsable ne peut être que M.Bouteflika ou tout au moins le chef de la diplomatie algérienne, Abdelaziz Belkhadem. «Après le massacre, notre responsable a appelé son homologue tunisien pour lui dire qu'il a bien fait de bastonner les supporters algériens», a indiqué Benflis avant de s'interroger: «Qui est censé protéger les citoyens algériens en territoire étranger, si ce n'est ses responsables?» C'est sur le flanc que le candidat du FLN s'est attaqué à la politique du président-candidat et réduire à néant son slogan fétiche «Djazaïr el izza oual karama» (Algérie de fierté et de dignité). A propos de l'épisode de Sfax, Benflis a exigé l'ouverture d'un dossier pour évaluer les dégâts et les pertes et pour indemniser les personnes. «Je suis révolté, scandalisé et meurtri de constater que l'Etat fuit à ce point ses responsabilités», a-t-il affirmé. Revenant sur les dernières déclarations de l'institution militaire et sa position par rapport à la prochaine élection, le candidat du FLN a rassuré aussi bien à Guelma, qu'à Oum El-Bouaghi et à Khenchela: «N'ayez crainte, allez voter pour le changement, l'armée a définitivement lâché Bouteflika.» Il rappelle à ce sujet que l'armée s'est prononcée à trois reprises par la voix de son chef d'état-major, affirmant qu'elle n'a pas de candidat. Mais, ajoute-t-il, ce retrait les a plongés dans une panique généralisée pour se rebattre sur l'administration qu'ils manipulent à leur guise. A Oum El-Bouaghi, Benflis a réitéré les mêmes engagements qu'il a faits partout ailleurs lors de ses meetings, à savoir «restaurer» l'Etat de droit, la justice sociale, l'ouverture médiatique et la véritable démocratie. «Je ne suis pas venu en amateur de changement, je le ferai avec vous et pour vous», a-t-il déclaré devant plus de 2000 personnes à Oum El-Bouaghi. Il énumère «les dépassements apparents» constatés sous le règne de Bouteflika. Que reprochent-ils à Ghozali pour lui refuser un agrément? Peut-on un instant imaginer que Taleb Ibrahimi n'ait pas pu rassembler 75.000 signatures? Qu'est-ce qui manque à Moussa Touati pour lui refuser de participer à la présidentielle? A cette série d'interrogations, Benflis lâche: «Il s'agit de règlements de comptes politiques.» Les jeux ne sont pas faits. Cette déclaration rapportée par la presse nationale, trouve tout son sens quand on voit l'accueil et la manière réservés à Benflis à Khenchela. Adopté comme l'un des siens, des milliers de personnes l'ont longuement attendu sur la rue principale, le tapis rouge déroulé, une marche spontanée a été improvisée. «Benflis a véritablement fait basculer l'Est de son côté», a constaté un confrère.