« Ce qui me préoccupe, c'est l'opinion étrangère et non pas nationale. Ne me faites pas rougir vis-à-vis de la communauté internationale (hamrouli wajhi). Le président doit se sentir aimé par son peuple. » Hier à Guelma, le président candidat a avoué sa principale crainte de voir les bureaux de vote désertés par les électeurs le 9 avril prochain. Guelma et Souk Ahras De notre envoyé spécial Si au niveau interne, les commentaires post-électoraux ne semblent pas l'empêcher de dormir, Bouteflika s'inquiète d'une éventuelle posture peu enviable d'un président petitement réélu. A la maison de la culture Abdelmadjid Chafi, le président sortant a donné cette impression d'un homme qui panique à l'idée d'une bouderie électorale. « Je veux que vous participiez au scrutin en force pour démontrer à nos ennemis de l'intérieur et de l'extérieur que le peuple algérien s'intéresse à la vie politique de son pays. » Mieux encore, Bouteflika affirme ne pas être venu à Guelma pour faire sa propagande. « Je ne vous demande pas plus que la participation au vote », a-t-il martelé. Et comme pour susciter un soutien « sonore » de la salle, il lui lance un malin message : « Je suis honoré et fier des dix années de présidence dont vous m'avez gratifié. Voyez les programmes des autres candidats et choisissez en toute liberté ! » Et à la salle de répliquer presque machinalement avec des « Vive Bouteflika ! « Anta ! Anta ! » (c'est toi, c'est toi) qu'il voulait évidemment entendre. Le candidat reprend alors la parole pour réclamer « un vote massif » pour lui permettre de « porter haut la voix de l'Algérie dans le concert des nations ». C'est le refrain que Bouteflika avait entonné la veille à Tamanrasset et Illizi en s'interrogeant comment il pourrait s'exprimer sur les questions internationales, comme celle de l'Afghanistan, de l'Irak et de la Palestine, s'il n'est pas fortement soutenu par le peuple. Ce qui pourrait s'interpréter comme un aveu d'échec d'une diplomatie qui n'a pas forcément brillé sur ces dossiers. Le président candidat semble, par ailleurs, avoir « embarqué » la Kabylie parmi ses soutiens en se félicitant hier à Guelma de ce que la population kabyle « demeure attachée à son authenticité et son appartenance à la collectivité nationale ». Et de tirer sur ceux qui ont « voulu faire croire à l'existence d'une scission dans le pays ». Cette scission n'existe que dans les esprits des ennemis de l'Algérie… qui tentent de « semer la haine dans les cœurs des Algériens », dira Bouteflika, rassurant. Sur sa lancée, il promettra que son prochain mandat « sera celui de la consolidation de la paix en Algérie de manière définitive ». Bouteflika gardera le cap sur la réconciliation nationale que « je poursuivrai quel que soit le prix » et malgré l'opposition d'un courant. L'éradication ? C'est vieux… Transition faite, il qualifie le concept d'éradication de « sujet obsolète », tout en menaçant « ceux qui persistent à refuser de déposer les armes » de les « éradiquer ». Pour autant, « les portes de la clémence demeurent toujours ouvertes pour ceux qui optent pour la paix ». Hier, à Guelma, cette ville martyre de la révolution, Bouteflika n'a pas eu besoin de sortir la grande artillerie discursive pour se faire accepter. Quelques petites phrases caressant dans le sens du poil, comme ses nostalgiques virées dans les rues de la ville avec « mon ami et frère » Houari Boumediène ont suffit pour titiller l'ego local. Une jeune fille s'est proposée de dresser un bilan dithyrambique d'une mandature « dorée ». Pourtant, à une question du président sur les besoins de Guelma, l'assistance lui a renvoyé bruyamment une salve de « chikayates ». Qui demande une grande mosquée, qui réclame un hôpital, untel demande des logements… comme si rien n'a été finalement réalisé. D'ailleurs, à son arrivée vers 11h, Bouteflika a emprunté le boulevard Souidani Boudjemaâ à l'asphalte encore fumant de… fraîcheur. Tout au long d'un parcours d'un kilomètre, il s'est mêlé joyeusement à la foule massée des deux côtés de la route, enthousiaste et par endroit extatique. Heureux de cet accueil triomphal, Bouteflika s'est joint à la foule, serrant la main des citoyens, des deux côtés de la route, mettant sa garde à rude épreuve. Le même exercice dans la même ambiance s'est renouvelé dans l'après-midi à Souk Ahras et même au niveau des petites localités traversées par l'impressionnant cortège d'un candidat pas comme les autres, à tous points de vue. Hier, « la patrouille à l'Est » de Bouteflika a tout juste servi à une revue des troupes. Ici, le moral semble intact.