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Le Conseil de sécurité otage du veto
Publié dans L'Expression le 09 - 03 - 2014


La crise de l'Ukraine a encore mis, si besoin est, en lumière l'inadéquation du Conseil de sécurité de l'ONU aux problèmes de notre temps. En fait, il ne pouvait en être autrement après le partage par les grandes puissances - vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale - du gâteau, se permettant un quasi-droit de vie et de mort sur les Nations par l'emploi du «veto». Bien sûr que la dérive est ancienne, induite par la Charte fondatrice, de l'Organisation des Nations unies (ONU) et, singulièrement, par son Conseil de sécurité qui plaça au-dessus des lois et du droit international ses cinq membres permanents, notamment par leur utilisation du veto. C'est précisément ce droit rédhibitoire, le veto, accordé à cinq pays - Etats-Unis, Russie, Grande-Bretagne, France et Chine (qui remplaça en 1971 la Chine nationaliste expulsée de l'ONU) - qui fait désormais problème. Si cette anomalie (le siège permanent au Conseil de sécurité) eut, ou a pu avoir un sens dans les années de l'après-Seconde Guerre mondiale - et durant la Guerre froide entre les blocs occidental (mené par les USA) et communiste (sous l'égide de l'ex-Union soviétique) - c'est une hérésie de maintenir au XXIe siècle la mainmise d'un quintette d'Etats sur les affaires du monde. Cela au détriment d'un fonctionnement responsable du Conseil de sécurité. La crise de l'Ukraine, qui risque de diviser le pays, le montre bien qui voit le Conseil de sécurité incapable de discuter posément d'une question dont les retombées pourraient avoir des incidences fâcheuses sur la paix dans le monde. C'est aussi le cas de la crise syrienne - qui s'est mutée en guerre dévastatrice pour la population de la Syrie - qui menace, aussi, le pays de partition. Dès lors, les intérêts géostratégiques des grandes puissances paralysent le fonctionnement du Conseil de sécurité, surtout lorsque l'une de ces puissances est, d'une manière ou d'une autre, impliquée dans les crises qui marquent ou ont marqué notre monde. C'est, en particulier, le cas pour les crises en Syrie et en Ukraine où les Etats-Unis et la Russie se sont retrouvés face à face, Washington menaçant Moscou de sanctions. Comment est-il possible qu'un pays qui exerce des coercitions sur un autre, peut-il s'attendre à ce que celui-ci coopère avec lui au Conseil de sécurité? Le Conseil est de fait, devenu un cercle vicieux. Les puissants ont toujours mis en avant les causes justes pour imposer leurs choix et conceptions des rapports entre les Etats. Les relations entre les nations sont ainsi biaisées, et ce n'est point la légalité internationale, telle que conceptualisée par la Charte des Nations unies, qui prime, mais bien le rapport de puissance entre les Etats. Si nous en sommes revenus aux confrontations dommageables entre les deux grandes puissances, c'est parce que la Russie a retrouvé dans la dernière décennie une partie du pouvoir qui a été celui de l'ex-Urss. Ce qui fait que les Etats-Unis ne peuvent plus faire ce qu'ils veulent au Conseil de sécurité, comme cela a été le cas, quand ils ont envahi l'Irak en 2003. Dans l'impunité totale. Washington a fait fi de l'opposition de l'ONU à cette aventure. Il est vrai qu'avant la chute de l'ex-Urss, les relations internationales ont été illustrées par les péripéties de la Guerre froide et les affrontements, par conflits locaux ou régionaux interposés, entre les deux superpuissances. Cette espèce d'équilibre de la terreur aura préservé un modus vivendi entre Soviétiques et Américains, mais aussi une paix mondiale fragile, qu'un rien pouvait renverser. La Russie n'a sans doute pas retrouvé toute sa puissance militaire d'antan, mais les Etats-Unis vont-ils réellement courir le risque d'une confrontation militaire pour l'Ukraine, avec le risque d'une conflagration nucléaire? La réalité est que le devenir de la planète est laissé au bon vouloir des détenteurs du «veto» au Conseil de sécurité. D'où, l'urgence d'une réforme de l'ONU en général, du Conseil de sécurité en particulier. Proposée, en septembre 2003, lors de la 58e session de l'AG de l'ONU, par l'ancien secrétaire général, Kofi Annan, la réforme de l'ONU est toujours en stand-by. En réalité, contrairement à ce que déclarent d'aucuns, l'enjeu de réformer l'ONU est différemment perçu par ceux qui détiennent déjà tous les pouvoirs et ceux qui aspirent à accéder à ces pouvoirs. Dès lors, il est patent que le véritable débat tarde à s'engager, du moment que cette réforme est envisagée par certaines grandes puissances sous le seul angle de leur intérêt, induit par le renforcement du Conseil de sécurité par l'apport de puissances amies et ce, au détriment de l'équilibre d'un organisme déjà largement dominé par les grandes puissances économiques et militaires, alors qu'il était censé assurer la sécurité pour tous les Etats. Les crises récurrentes qui frappent nombre d'Etats, montrent que le monde ne peut plus fonctionner sous les seules injonctions des puissants.

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