La CIA a illégalement fouillé les ordinateurs d'enquêteurs du Sénat des Etats-Unis pour y supprimer des documents relatifs au programme d'interrogatoire musclé de l'agence d'espionnage, a accusé hier une puissante sénatrice, évoquant une éventuelle violation de la Constitution. «Je suis très inquiète, la fouille de la CIA pourrait bien avoir violé le principe de séparation des pouvoirs incarné dans la Constitution américaine, y compris la liberté d'expression et de débat», a déclaré la présidente de la commission du renseignement du Sénat, Dianne Feinstein, lors d'une déclaration fracassante de plus de 30 minutes dans l'hémicycle du Sénat. «Elle pourrait avoir sapé le cadre constitutionnel essentiel à une tutelle efficace par le Congrès des activités de renseignement ou de toute autre fonction gouvernementale». L'affaire remonte à plusieurs années. La commission du Renseignement a ouvert une enquête en 2009 sur le programme d'interrogatoire musclé de la CIA, notamment la technique de simulation de noyade, durant les années Bush. Des enquêteurs de la commission, habilités au secret, ont alors eu accès, dans un bâtiment sécurisé situé non loin de Washington, à plus de 6 millions de documents fournis par la CIA, qu'ils pouvaient exploiter sur des ordinateurs sécurisés et auxquels la CIA ne devait pas avoir accès, selon un accord passé entre le Sénat et l'agence. Mais en 2010, plus de 900 pages de documents particulièrement importants ont disparu des dossiers sécurisés des enquêteurs, a expliqué Dianne Feinstein. «Le 15 janvier 2014, le directeur de la CIA (John) Brennan a demandé une réunion d'urgence pour m'informer (...) que sans notification antérieure ni approbation, des personnels de la CIA ont mené une fouille, ce sont les mots de M. Brennan, des ordinateurs de la commission dans le bâtiment extérieur», a raconté la sénatrice, en expliquant que la fouille incluait les disques durs contenant le travail interne de la commission et ses communications internes. Selon Dianne Feinstein, les agissements de la CIA pourraient avoir violé plusieurs lois, ainsi que le décret qui interdit à la CIA de mener des activités de surveillance sur le territoire américain. L'inspecteur général de la CIA a transmis l'affaire au département américain de la Justice, a également révélé la sénatrice.