La chute de Barawe, nouvelle localité à tomber sans combats, est un nouveau coup sérieux porté aux shebab, un mois après la mort de leur chef suprême, Ahmed Abdi «Godane» tué début septembre par une frappe aérienne US. Les troupes somaliennes et de l'Union africaine en Somalie (Amisom) se sont emparées hier de Barawe, capitale de facto des shebab et dernier port d'importance encore entre leurs mains, portant un nouveau coup dur aux islamistes un mois après la mort de leur chef suprême. Barawe, crucial pour le financement des shebab était l'objectif principal avoué de l'opération «Océan Indien», lancée fin août par l'Amisom et l'armée somalienne et qui a permis de reprendre une dizaine de localités aux islamistes dans le sud et le centre de la Somalie. «C'est très significatif, c'est la +capitale+ des shebab qui est tombée», a déclaré un analyste ayant longtemps travaillé sur la Somalie. «Entre la mort de Godane et la perte de Barawe, ça fait deux gros coups durs. Je ne me souviens pas d'une conjonction d'événements autant en leur défaveur, même lors de la grosse offensive de 2011 qui les avait chassés de Mogadiscio», a-t-il souligné. Selon Abdukadir Mohamed Nur, gouverneur de la Basse-Shabelle, «l'armée somalienne et l'Amisom ont pris le contrôle de Barawe ce (hier) matin. La situation est calme et les militants (shebab) ont fui avant que les forces n'atteignent la ville». «Il y avait des poches de faible résistance et des embuscades tendues par les miliciens (shebab) avant que nous atteignions Barawe, mais désormais la situation est normale et l'armée contrôle totalement» Barawe, à environ 200 km au sud-ouest de Mogadiscio, a de son côté expliqué Abdi Mire, un responsable militaire somalien. Le port de Barawe, d'où les shebab exportaient du charbon de bois vers les pays du Golfe, était crucial pour les finances du groupe islamiste, chassé militairement de Mogadiscio puis de l'essentiel de ses bastions depuis août 2011. Selon des estimations des Nations unies, le trafic de charbon de bois depuis Barawe lui rapportait tous les ans au moins 25 millions de dollars (19 millions d'euros). Selon l'analyste, Barawe est «leur perte la plus importante depuis celle de Kismayo», grand port stratégique du sud du pays, à environ 450 km au sud-ouest de Mogadiscio, dont les shebab avait fait leur capitale de fait jusqu'à ce qu'il soit reconquis par le contingent kenyan de l'Amisom et des milices pro-gouvernementales alliées début octobre 2012. Samedi, à l'occasion des célébrations de l'Aïd el-Kébir à Barawe, un commandant shebab avait affirmé que les islamistes continueraient de harceler les forces somaliennes et de l'UA autour de la ville si elle était prise. «L'ennemi approche afin de submerger la localité, mais laissez-moi vous assurer que nous ne quitterons jamais les alentours de Barawe, le combat continuera et nous transformerons la ville en tombeau des ennemis», a déclaré ce chef islamiste, Cheikh Mohamed Abu Abdallah, selon des propos rapportés par un site pro-shebab, confirmés par des habitants de Barawe. Les shebab qui ne cessent de reculer militairement depuis mi-2011 face à la puissance de feu supérieure de l'Amisom, dont les effectifs ont été portés début 2014 à 22.000 hommes, ont abandonné le combat conventionnel pour des actions de guérilla et des attentats parfois spectaculaires, notamment à Mogadiscio, mais aussi au Kenya et à Djibouti, qui fournissent des troupes à l'Amisom. La Somalie est privée de réel gouvernement central depuis la chute du régime autoritaire du président Siad Barre en 1991 et livrée aux milices des chefs de guerre, gangs criminels et groupes islamistes. L'actuel gouvernement, présenté par la communauté internationale comme le meilleur espoir de paix depuis 20 ans, peine à asseoir son pouvoir au-delà de Mogadiscio et sa périphérie malgré le recul des shebab, remplacés dans de nombreuses régions par des chefs de guerre tentés d'imposer leur autorité.