Au sanctuaire de Daesh, les atrocités sont banales Deux ans après l'entrée de l'EI à Derna puis à Syrte, profitant des rivalités ancestrales des tribus locales et de leurs milices qui se sont affrontées, lui laissant le champ libre pour faire main basse sur la région, ce sont plus de 50.000 habitants qui ont fui. Un rapport de l'ONG Human RightsWatch a apporté hier une somme d'accusations contre le groupe Etat islamique (EI) qui a procédé à 49 exécutions extrajudiciaires au moins, à Syrte, son bastion en Libye, soulignant dans un argumentaire référencé que ces meurtres constituent des crimes de guerre. On se souvient des terribles images de l'exécution barbare, sur une plage, d'au moins 21 Egyptiens coptes dont Daesh voulait faire un exemple. Ces images de propagande ont alerté sur la volonté de l'EI d'appliquer en terre libyenne les mêmes méthodes que celles illustrées en Irak puis en Syrie. Depuis qu'il s'y est installé, en 2014, Daesh soumet la population de Syrte et de sa région, régissant la nourriture, le carburant, l'argent et même les médicaments. La ville côtière de l'Ouest libyen a donc vécu les horreurs de la décapitation de 49 personnes condamnées sous des motifs aussi fallacieux les uns que les autres et sans aucune forme de procès, certains pour avoir commis des blasphèmes, d'autres de la sorcellerie et certains pour espionnage. L'ONG explique dans son rapport de 41 pages qu'elle s'est notamment entretenus avec 45 habitants ayant quitté Syrte pour se réfugier dans la ville côtière de Misrata, à 240 km à l'ouest, ainsi que par téléphone ou courriel. «Les habitants de Syrte évoquent des scènes d'horreur - de décapitations publiques, de dépouilles dans des uniformes orange suspendues à des échafaudages 'comme crucifiées'' et d'hommes arrachés de leurs lits par des combattants masqués en pleine nuit», indique HRW. «Ils racontent que la police de la moralité, aidée par des informateurs, patrouille les rues, menaçant, punissant et fouettant les hommes qui fument, qui écoutent de la musique ou dont les épouses ou soeurs ne portent pas l'abaya (longue robe ample et flottante) noire». D'autres témoignages poignants portent sur le caractère insupportable d'une existence sous la terreur, tributaire du manque de moyens de subsistance car les épiceries sont rares, les médicaments inexistants ainsi que les soins faute de médecins. Les plus chanceux sont ceux qui avaient suffisamment d'argent pour fuir vers des cieux plus cléments, quant aux autres l'enfer quotidien est simplement à leur porte. Il convient de noter que deux ans après l'entrée de l'EI à Derna puis à Syrte, profitant des rivalités ancestrales des tribus locales et de leurs milices qui se sont affrontées, lui laissant le champ libre pour faire main basse sur la région, ce sont plus de 50.000 habitants qui ont fui Syrte et se sont réfugiés, vaille que vaille, à Misrata et à Tripoli, les plus «chanceux» ayant réussi à gagner la Tunisie voisine. Quant aux 20.000 restants, ils subsistent sous le joug des 3000 à 5000 éléments de Daesh, majoritairement étrangers, attendant une hypothétique offensive des gouvernements de Tobrouk et de Tripoli qui n'en ont pas encore fini avec leurs différends. «Le meurtre de civils, de blessés ou de combattants en détention, par les membres d'une partie prenante d'un conflit est un crime de guerre, tout comme l'exécution de personnes sans procès équitable devant un tribunal ordinaire», écrit HRW qui ajoute que «la nature et l'ampleur des exécutions extrajudiciaires et autres actes pratiqués par l'EI en Libye pourraient également constituer des crimes contre l'humanité». Or, de nombreux miliciens ont été enlevés, et leur sort demeure inconnu tandis que l'organisation terroriste qui pille et saccage les lieux considérés comme hostiles ou impies envisage activement de poursuivre l'assaut jusqu'à Tripoli. Dans un premier temps...