«Le front sportif a été une arme aussi redoutable que celles qui crachent le feu, semant la terreur et la mort. Il s'imposait, en ces périodes de lutte pour l'émancipation du peuple algérien, par l'octroi de sa liberté et de son indépendance, comme une nécessité absolue dans les rangs de la jeunesse algérienne qui voulait démontrer ses capacités face aux indus occupants, sans états d'âme, à cause de leur arrogance, leur mépris et leur cruauté.» L'auteur Présenté en trois grands chapitres, l'ouvrage de Kamel Bouchama mérite, sérieusement, qu'on lui accorde une halte et une attention particulière, en ces temps où notre jeunesse ignore tout de son Histoire, du fait que nous n'avons pas investi dans ce domaine primordial et que de l'autre côté, les facilités d'accès aux sites étrangers de communication - aujourd'hui très nombreux - lui ouvrent toutes les voies possibles, par medias interposés, pour découvrir une autre vie ailleurs, la menant, soi-disant, vers le bonheur par le modernisme. Cet ouvrage sur le sport, et principalement sur le football, vient en temps opportun, pour dire aux jeunes - dont la plupart, sont fans ou fous de la balle ronde -, que d'autres jeunes à leur âge ont créé, durant la Révolution de Novembre, l'exploit de s'imposer fortement et régulièrement sur le terrain des compétitions et de démontrer leur bravoure et leur détermination à vaincre l'ennemi, une fois mobilisés dans les rangs de l'ALN, qu'ils ont rejoints à l'appel de la patrie. Et cet ouvrage donc, l'auteur l'a écrit en pensant à ce plaisir qu'aurait toute une population à le compulser, en même temps que ces nombreux jeunes, à qui il donne l'occasion de découvrir une épopée aussi brillante que légendaire par ses hauts-faits et ses hommes de talent et de courage. Mais encore une fois, s'interrogeait-il, comment allait-il procéder pour recueillir le maximum d'histoires et de faits réels qui ont parsemé la vie de tout un chacun, parmi les joueurs et les dirigeants? Comment arriver enfin, et c'est peut-être la question pertinente, à rendre vivante cette ambiance d'alors où tout une Equipe, le Mouloudia de Cherchell, vibrait au ton de cette extraordinaire mobilisation, avec la même force et la même conviction que véhiculaient tous les nationalistes et les patriotes d'alors? Ainsi, d'une façon très pédagogique, il est allé très loin dans cet ouvrage avec les analyses, auxquelles il a ajouté, à chaque fois que de besoin, cette note d'entrain et de vivacité. Il faut dire que l'auteur a pris son bâton de pèlerin et est parti à la recherche des informations, grandes et petites, qui ont un lien direct ou indirect avec cette équipe martyre. Et il les a passées au tamis pour enfin sélectionner, dans l'assurance, certaines grandes «histoires» et certains faits - parce qu'il y en a tellement -, ces actions concrètes qui ont «capitonné» son texte et lui ont donné plus d'authenticité et de véracité. N'est-ce pas qu'il a voulu, à travers ce style d'écriture, restituer cette image grandiose de jeunes fougueux et pleins d'espoir pour leur pays? En effet, son souhait est ainsi composé car, «pour un club aussi prestigieux que le Mouloudia de Cherchell, je n'ai pas hésité à aller au bout de mon projet, avec toute la passion que j'ai pour le sujet», nous dit-il clairement à notre première approche. Revenons aux trois grands chapitres de l'ouvrage. Le premier est d'essence analytique et s'intitule: «Le Mouloudia, le sport et le patriotisme.» Là, d'emblée l'auteur nous affranchit et place ses lecteurs dans cette coexistence du sport et du patriotisme, une coexistence naturelle et nécessaire - insistait-il -, représentée en somme par deux activités, si on ose s'exprimer ainsi, indissociables en cette période cruciale de la lutte de Libération nationale. À partir de cette dualité, traduite par le sport et le patriotisme, l'auteur est allé chercher le contexte historique dans lequel il y a eu création du club pour enfin s'acheminer dans des comparaisons par rapport à d'autres pays, ce qui lui a permis de consolider son contenu et l'inscrire dans son élément naturel. Ainsi, le chapitre sur «le football d'hier et d'aujourd'hui», présenté dans l'ouvrage, n'est ni une redondance, ni un remplissage et, encore moins, un texte de trop. Le Mouloudia de Cherchell, écrit l'auteur, ayant vécu dans un monde où le patriotisme «s'est perpétué à travers les siècles, sous la houlette de chefs charismatiques qui ont su commander leurs troupes au devant d'envahisseurs pour conserver leur unité et leur territoire», ne pouvait renoncer à la tradition qu'adoptait son peuple à militer pour son avenir et son devenir. Ainsi, dans ce même chapitre, celui du sport dans la continuité du nationalisme et de l'engagement de tous les sociétaires du club dans la révolution de Novembre 1954, l'ouvrage qui insiste sur cette «Ecole de patriotisme» qu'était l'équipe du Mouloudia de Cherchell, ne passe pas sur les grands événements de l'année 1956. Là, évidemment, il met en relief l'autopsie de l'historique décision: l'arrêt des compétions, qui s'est imposé à la conscience des jeunes Algériens, fans de football, comme un tournant dans l'histoire du sport national. Et de là, on remarque la touche particulière de l'auteur, celle du militant qui n'a pas omis, à travers ses différents paragraphes, de rendre un vibrant hommage à tous les clubs musulmans d'alors qui ont eu des activités et des positions dignes à la hauteur des exigences du combat libérateur. Dans le deuxième chapitre, qu'on peut qualifier de pièce maîtresse de l'ouvrage, Kamel Bouchama annonce la couleur. D'emblée, il titre: «Du stade, au FLN, à l'ALN et... au martyre.» Quatre étapes dominantes dans le cheminement des quinze martyrs de l'équipe du Mouloudia de Cherchell, un cheminement naturel, confirmera n'importe quel patriote sportif qui a connu l'ambiance d'alors et ses vicissitudes sur le terrain de cette réalité amère que vivait notre peuple sous le joug colonial. Mais avant d'entrer dans le sujet du Mouloudia de Cherchell, il va dans cette détermination de notre jeunesse qui, à l'appel de la patrie, n'a pas hésité à répondre présent. Ainsi, écrit-il, tous les clubs de notre pays, qu'on appelait les «Clubs musulmans» ont eu à présenter de grands sacrifices au cours de notre glorieuse révolution. Ils ont tenu à rentrer dans l'Histoire avec leur lot de martyrs pendant la lutte de Libération nationale. La liste est éloquente, nous n'en donnerons que certains. Souidani Boudjemaâ jouait à l'Espérance Sportive de Guelma (ESG). Larbi Ben M'hidi était joueur et dirigeant de l'équipe de l'USB (Union Sportive de Biskra). Ahmed Zabana jouait à l'ASM Oran Belkebir Abdelkader qui jouait au SCAF, tout en étant entraineur des juniors, sera pendant la révolution «Si Belahcène» au maquis, en Wilaya IV. Ce dernier a été membre de l'OS et ancien responsable de Si M'hamed Bougara qui sera le futur colonel, chef de la Wilaya IV historique. Didouche Mourad pratiquait la gymnastique au RAMA (Rapid Athletic Musulman d'Alger). Ahmed Ghermoul, pratiquait la même discipline au club de l'Avant-garde-Vie au Grand Air d' (AGVGA), d'où aujourd'hui le quartier Ghermoul, à Alger-Centre avec son stade, sa piscine dans le Complexe sportif qui porte son nom. Zioui Mohamed, grand joueur au NAHD - Hussein-Dey - de même que membre créateur du club en 1946 aux côtés de Bensiam Benyoucef. Il a été Membre fondateur de l'Ugta avec Bourouiba et Aïssat Idir. Ferhani, Bourkika et Basta Ali, jouaient au MCA. Ouaguenouni Mustapha et Benkanoune Noureddine, jouaient à l'USMA. Benyoucef Fréha, H'mida Fouatih, Lahouari Sebaâ, les enfants du quartier d'El Hamri, jouaient au MCO. Les deux frères Brakni, ainsi que Mustapha Tchaker jouaient à l'USMB (Blida). Maâmar Sahli et Mekaoui Abdelkader - torturés et guillotinés à la prison Serkadji d'Alger - jouaient à l'ASO, El Asnam, de même que Nasri dit Nini. Ou encore Tazaïrt (Moh Dziri) qui pratiquait le football au CCA. En effet, la liste est longue et, de là, l'auteur a choisi cette Equipe du Mouloudia de Cherchell parce que tous ses joueurs ont rejoint le FLN et l'ALN et sont tombés au champ d'honneur. Ainsi, l'ouvrage nous raconte les hommes et leurs lieux de prédilection. Il nous décrit le «Café Alliou», un sanctuaire du patriotisme, un rendez-vous de rencontres militantes, une école où l'on venait assidûment, non pas pour uniquement siroter le meilleur thé de Cherchell, à cette époque, mais pour rendre comptes des missions effectuées et prendre également les instructions pour d'autres obligations dans le cadre de l'organisation du FLN. Il nous fait état de tous ces joueurs, les Abdelhak, Lakhdar, Tayeb Benmokkadem, Ali Didine, Abdelkader «Qchiche», Abderrahmane Youcef-Khodja, «Haouila» et d'autres - ils sont quinze - qui ont fait leurs adieux au stade et au ballon et sont partis, convaincus, rejoindre le maquis et prendre les fusils de la liberté. Il nous parle des autres, ces patriotes et combattants, anciens joueurs et dirigeants du Mouloudia, qui ont goûte les affres de l'incarcération, dans des centres rébarbatifs des forces coloniales. En les évoquant, il a tout simplement, voulu restituer leur mémoire. Quant au troisième et dernier chapitre, l'ouvrage fait parler les compagnons de ces martyrs du Mouloudia. Ce sont des témoignages qui racontent ces djounoud, leurs faits d'armes, leur bravoure, leur engagement, bref qui complètent leurs vies de sportifs, de patriotes et de combattants de l'indépendance. Il cite en premier Boualem Benhamouda, ce moudjahid de la première heure, qui a bel et bien joué au Mouloudia..., même «occasionnellement», affirmait-il, lui-même. Ce dernier le dit, très modestement, dans son témoignage, pour expliquer que ses études supérieures à l'université d'Alger ne lui ont pas laissé le temps de jouer régulièrement. Cependant, nous confirmons le concernant, qu'il fut un virtuose du ballon. Et, il y en a eu d'autres témoignages... Celui du chahid, le Cd. Si Lakhdar Bouchama, dans la liste des 15 joueurs du Mouloudia, dans une lettre posthume, pathétique, au colonel Si M'hamed Bougara, de même qu'une nouvelle, intitulée: «Ciel sombre» de l'auteur lui-même, Kamel Bouchama, un très beau texte sur le martyr Si Abdelhak, le héros de la «Bataille de Lalla Aouda», déjà publié en 1971 dans le magazine «Ec-chabab». Enfin, l'auteur boucle son ouvrage avec un remarquable album photos qui ne manquera pas de susciter l'intérêt des jeunes qui iront, assurément, lire dans certaines prises toute la modestie de ces anciennes équipes de football qui ont su créer l'impossible face au colonialisme, sans armes sophistiquées, mais seulement avec leur détermination à se libérer de son joug. Ils visionneront également des portraits émouvants de ces jeunes footballeurs qui se sont lancés dans l'impétuosité de la bataille pour la libération du pays. Ils les verront jeunes, comme eux, beaux et sympathiques, comme tous les jeunes de notre pays qui aspirent à plus de respect et de considération, plus de calme et de paix, des qualités pour lesquelles ces martyrs se sont engagés dans un combat sans merci contre un ennemi féroce et inhumain.