Voyage à travers le temps Une exposition de photographies de Nicolas Muller (1913-2000) et un concert de musique du Libanais Ramy Maalouf ont animé jeudi l'espace du palais Mustapha-Pacha, siège du Musée public national de l'enluminure, de la miniature et de la calligraphie à Alger, devant un public conquis. Son Excellence l'ambassadeur d'Espagne en Algérie, Alejandro Polanco Matas et la directrice de l'institut Cervantès d'Alger, Madame Raquel Romero Guillermas, ont convié jeudi, le public au Musée public national de l'enluminure, de la miniature et de la calligraphie (sis Palais Mustapha-Pacha, 12 rue frères Mechri, Basse-Casbah) pour un double évènement artistico-culturel. Le premier est l'inauguration de l'exposition relative aux photos en noir et blanc du socio-photographe Nicolás Muller. Une acquisition de 13 tableaux d'une magnifique précision. Et pour cause, l'artiste photographe qui s'est essayé très tôt à la photo n'avait que treize ans lorsqu'il reçoit son premier appareil à photos. Il voit immédiatement dans la photographie le pouvoir de rendre visible une certaine idée du monde et des gens. Il partage cette passion pour la photographie avec ses études de droit et de sciences politiques à l'université de Szeged. Ses premiers travaux sont très nettement centrés sur la ruralité de la Hongrie - qui, lors du traité de Versailles, (1920) se voit amputée d'une partie importante de ses terres. Après un séjour de 7 ans à Tanger - qu'il qualifie d'«années les plus heureuses de ma vie, «il décide de s'installer à Madrid avec l'envie de reprendre son travail de photojournaliste, de poursuivre son exploration des régions espagnoles, d'exposer et de publier ses ouvrages. Ainsi, les visiteurs du Musée Mustapha Bacha ont pu découvrir, «L'Alhambra vue de Darro», «El Generalife» et «Patio des Lions» de Grenade, le «Patio des demoiselles», et «Château» (deux photographies) de Séville ou encore «Salon Rita, la Medinet-Zahra», «Chapelle de Villaviciosa» et les «Mosaïques du Mihrab, Mosquée - Cathédrale» de Cordoue. Visible jusqu'au 28 avril prochain, l'exposition intitulée «Photographies de Nicolas Muller», avec en sous-titre «Cordoue - Séville - Grenade», restitue en effet les formes géométriques d'une partie imposante du patrimoine ibérique... Un vernissage auquel ont pris part à la fois l'ambassadeur d'Espagne et celui de Hongrie jeudi dernier. Des photos grand format qui confirment cette expression énoncée par l'ambassadeur de Hongrie: «Si ta photo n'est pas réussie c'est que tu n'as pas été au plus près.» Les photos de Nicolas Muller ont en effet la caractéristique de montrer des angles de vues où les codes de la photo sont maîtrisés haut la main. La seconde partie de la soirée est placée sous le signe de la mélodie baptisée «La route phénicienne en musique». Un spectacle de musique instrumentale dirigée par le flûtiste Ramy Maalouf avec la participation de Mehdi Medeghri au clavier et Hassane Khoualef à la batterie. Présentant une partie de son projet musical qu'il a intitulé, «Ruta Purpura» (Route pourpre) l'artiste installé à Oran, est le digne représentant de la saga des Malouf. Ramy a tout d'un grand et il va nous le prouver tout en finesse et majesté musicales. Les compositions qu'il a choisies dénotent de la grande culture de ce monsieur qui est à l'aise à la fois dans le son jazz que dans les volutes orientales mélangées aux mouwachahate tout en sobriété, incitant à voler en éclats par moment le tempo et faire naître des morceaux des plus étonnamment entraînant. Le premier morceau avec lequel il ouvrira son récital est «Bones for Science», inspiré d'un texte de Abdelkader Alloula. Rien que ça! L'artiste ne cessera de nous surprendre. «Kuhul» est le morceau qui se décline en plusieurs instants étrangement désarticulés, mais parfaitement écrits. Il est inspiré d'une discussion un peu arrosée entre des philosophes d'où cette logique un peu discordante dans les mélodies. Un morceau virevoltant, sauvage avec des inclinaisons mélodiques bien arabes, suaves et rehaussées nonchalamment par des fausses ruptures dans la construction mélodique. C'est bien connu, le free jazz est basé sur un travail de construction/ déconstruction, adapté justement sur une logique impalpable de mathématiques qui fera déboussoler plus d'un. Mais la bluette sentimentale n'est pas loin. Elle au rendez-vous avec le morceau «I love you» de Omar Farouk. Forcément, le tempo occidental laisse place à des phrasés plutôt mélancoliques, fortement orientaux, invitant l'assistance à un voyage à travers les époques dans l'Andalousie médiévale ou encore des temps bien immémoriaux. «Souk Wahran» (composition) et «Longa Riad» (1931) du grand compositeur égyptien Riad Sonbati (1906-1981), ont enivré tout autant le public par la musique de Rami Malouf qui a cela de particulier, sa beauté à la fois simple et profonde qui acculera votre esprit au vagabondage inéluctablement et c'est cela le secret de la bonne musique: créer en vous une succession de sensations grâce au riche et savoureux répertoire que les trois musiciens ont su jouer en totale symbiose. Mieux à l'ambiance recréée. Aussi, le public en redemandera encore et le trio de s'exécuter derechef. Il reviendra jouer cette fois une vieille musique de haleb avant de prendre congé de nous, nous laissant songeur et bien rempli de bonne vibes...