Sur le papier nous avons les meilleures lois qui puissent exister. Cela ne fait pas de doute! Or, ces lois aussi congrues soient-elles resteront sans effet si elles ne possèdent pas une compétence générale et des attributions permettant aux institutions de travailler sereinement et sans entrave. Il en est ainsi de l'espace audiovisuel national qui, depuis l'émergence des chaînes privées, pose problème. Un espace médiatique qui s'apparente plus à la jungle où chacun fait ce qu'il veut qu'à des entreprises policées capables d'élever leur niveau et celui des téléspectateurs. C'est dans ce contexte qu'a été créé une institution ad-hoc l'«Autorité de régulation de l'audiovisuel» (Arav) pour, à juste titre, réguler le fonctionnement de ces chaînes, et veiller à leur bonne marche. Le hic, est que l'Arav n'est pour le moment, qu'une charpente qui attend d'être dotée des moyens (statut, cahier des charges, décret d'application) lui permettant d'assurer ses missions de manière optimum. L'Arav existe, certes, mais ne dispose ni de siège, ni du personnel lui donnant d'activer normalement. Il est patent que ces manques verrouillent son pouvoir de décision. Autrement dit, l'Arav est inapte à accomplir sa mission, dès lors qu'elle est neutralisée par l'absence de réglementation lui permettant d'intervenir en temps et lieu. L'affaire de la caméra cachée de la chaîne de télévision privée Ennahar - une émission vulgaire qui malmena l'écrivain Rachid Boudjedra - illustre parfaitement ce postulat. Ainsi, l'Arav n'a pu intervenir, d'une manière ou d'une autre, ni faire valoir ses prérogatives. A tel point que, impuissant face à cette situation, le président de l'Arav, Zouaoui Benamadi, incita les victimes de telles pratiques à porter plainte devant la justice. En effet, pour fonctionner dans le cadre de ce pourquoi elle a été créée, l'Arav doit avoir des partenaires qui sont les chaînes de télévision. Or, au regard du droit algérien, ces dernières - en fait les chaînes de télévision privées - n'existent pas. Et pour cause! Elles ne disposent pas de cahier des charges, n'ont pas de décret d'application et ne sont pas en partenariat avec l'Autorité de régulation de l'audiovisuel qui, en dernière instance, est la responsable du bon fonctionnement de l'espace audiovisuel. Ce qui s'est passé durant le mois de Ramadhan et l'affaire de la caméra cachée, montrent combien l'Arav n'a pas autorité sur des chaînes, en fait incontrôlables. Aussi, M.Benamadi en appelle-t-il à l'Exécutif qui seul, dit-il, est à même de permettre à l'Arav d'«exercer ses prérogatives». En fait, le président de l'Arav, réclame un «cahier des charges» en bonne et due forme pour les chaînes de télévision privées qui n'ont pas d'existence juridique selon le droit algérien. De plus, pour les autorités publiques, ces chaînes ne sont que des bureaux de représentation, dont le personnel ne devrait pas excéder la dizaine de personnes. Or, la réalité est autre, ces chaînes, disposent de moyens considérables et emploient - selon le président de l'Arav - entre 200 et 500 personnes. Ce qui fait d'elles de grandes entreprises concurrençant illégalement l'entreprise publique de télévision, l'Entv. Or, si ces chaînes de télévision privées sont illégales, elles sont paradoxalement tolérées. Aussi, celles-ci agissent en terrain conquis alors que leur dépassement les aurait fait fermer dans n'importe quel pays du monde. Ces chaînes privées ne sont donc pas algériennes dès lors qu'elles ne relèvent pas du droit et des lois algériens, d'un cahier des charges algérien. Alors la question se pose, pourquoi avoir créé une autorité de régulation avant d'avoir assaini le champ médiatique, ne serait-ce que pour la cohésion et la raison d'être de l'institution ainsi créée. De fait, dans le cas de ces chaînes, seule la justice peut agir et sanctionner. Ce qu'elle n'a pas fait jusqu'ici, ne serait-ce qu'en exigeant de ces chaînes, ce qui est de son ressort, d'assainir leur situation vis-à-vis de la loi algérienne. Mais faudrait-il encore qu'elles disposent du cahier des charges de l'Arav, qui est supposé conditionner leur création après éventuel agrément. Nous sommes donc en plein quiproquo avec des chaînes relevant de lois étrangères travaillant sans entrave en Algérie, mais n'obéissant à aucune règle d'éthique et de déontologie. Que font les autorités pour mettre un terme à ce désordre? Ces chaînes - illégales - seront tolérées, jusqu'à quand? Ce qui est quand même cocasse ou lugubre - c'est selon - est-ce que dans un champ médiatique verrouillé des chaînes Taiwan font-elles la pluie et le beau temps. Ce flou «artistique» est-il voulu qui dilue les responsabilités sans permettre à d'aucuns de travailler dans la transparence et d'assumer pleinement ses responsabilités? Ces amalgames font du champ médiatique algérien un véritable marécage. Cela peut-il durer? Telle est la question!