La philosophie de la réconciliation Sous quel prisme faut-il regarder ces images? Pour des observateurs avertis, la démarche de Saïd Bouteflika comportait un message très fort, lourd de sens, qui mérite d'être décrypté. Du cimetière d'El Alia, ce lieu singulier qui recommande souvent l'économie des commentaires, fusaient, avant-hier des flots d'images qui ont fait le buzz alors qu'on n'a pas fini d'enterrer l'un des plus valeureux combattants pour notre indépendance, le défunt Redha Malek. Carburant à l'avidité du scoop, les chaînes de télévision ont relayé des images montrant Saïd Bouteflika, frère et conseiller du président de la République, le patron du FCE Ali Haddad et le secrétaire général de l'Ugta, Abdelmadjid Sidi Saïd, en discussion très détendue. Les observateurs ont relevé également qu'à la fin des obsèques, Saïd Bouteflika a eu le réflexe magnanime d'inviter le patron du FCE à prendre place dans sa voiture pour qu' ils rentrent ensemble et c'est l'affolement. La toile a fait le reste pour donner une diffusion exponentielle à des images clôturant une semaine de matraquage médiatique, qui a imposé l'idée d'un différend en «haut lieu». Ce spectacle a donné lieu à d'innombrables commentaires dont certains des plus farfelus. On a échafaudé des scénarii et construit des théories. Mais sous quel prisme faut-il regarder ces images? Pour des observateurs avertis, la démarche de Saïd Bouteflika comportait un message très fort, lourd de sens qui mérite d'être décrypté. Il a été guidé par la même démarche lorsqu'il avait pris part à Alger, le 3 juin dernier, au rassemblement de soutien à l'écrivain Rachid Boudjedra à qui il a manifesté sa solidarité face à l'humiliation dont il a fait l'objet sur la chaîne Ennahar TV. Au-delà de toute lecture strictement politicienne, dans le cas de Boudjedra, comme dans celui de Haddad, il s'agissait de montrer de la sympathie à une personne offensée, humiliée, blessée dans son amour-propre. Pour les observateurs avertis, ces élans de fraternité et de civisme ont comme socle immuable la Réconciliation nationale. Voilà un concept qui n'est ni galvaudé ni périmé, mais qui puise toute sa vigueur dans la philosophie du président Bouteflika. Dans le subconscient des Algériens, ce mot charrie un cortège d'événements indélébiles. L'histoire récente de ces vingt dernières années nous renseigne avec éloquence comment un Etat chavirant s'est relevé et tout un peuple s'est retrouvé. Les lignes rouges Une guerre civile a plongé le pays dans le chaos et aggravé une situation sociale déjà catastrophique. Le bilan a été lourd: 200 000 morts, des milliers d'autres blessés, des centaines de milliers de paysans déplacés, des milliers de disparus et autant d'intellectuels, de cadres, de créateurs qui ont fui la violence, cherchant refuge à l'étranger, et privant le pays d'une part importante de sa matière grise. Comment dans ce chaos généralisé, devant un tel paysage d'apocalypse, peut-on malgré tout parler de perspectives de paix? C'était possible, par le miracle de la Réconciliation! Les images diffusées dimanche, signifient à elles seules que l'Algérie a besoin de tous ses enfants, sans exception et sans exclusion. Tous ses enfants qui lui veulent du bien. Plus strictement, elles signifient aussi qu'il faut bannir l'humiliation des Algériens et que l'atteinte à la dignité des personnes est une ligne rouge à ne jamais franchir. Tel a été le message bref mais fort qu'a voulu délivrer Saïd Bouteflika. Un moment de rappel à une ligne de conduite dictée par le chef de l'Etat. Toute l'action du président Bouteflika depuis son arrivée au pouvoir, en avril 1999, est soutenue par cette philosophie de la Réconciliation nationale. Les scènes suivies sur les chaînes de télévision, renseignent bien que ce thème fondateur est plus que jamais de mise. N'a-t-on pas vu avant-hier, au cimetière d'El Alia, le conseiller du président devisant avec le patron du FCE, entouré de Sidi Saïd, sans haine, sans animosité et sans rancune? N'a-t-on pas vu de simples citoyens approchant Saïd Bouteflika et le sollicitant pour des photos? Un personnage accessible. Des images qui ont donné un coup d'arrêt aux spéculations, aux rumeurs et à l'intox sur des règlements de comptes ou des divergences dans les sphères du pouvoir. Certains en sont même allés jusqu'à y voir des poux sur la tête, pourtant dégarnie de Tebboune. Ils ont vite fait de monter en épingle cet acte de Réconciliation comme étant un désaveu du Premier ministre, ce qui n'est guère le cas. Abdelmadjid Tebboune poursuit normalement l'application du programme du président et c'est lui-même qui l'a chargé de cette mission. Episodes sanglants... Cette réconciliation atteste aussi de cette entente qui règne entre les sphères dirigeantes et les corps intermédiaires. Il fallait bien ce rappel, car la démarche n'est pas nouvelle dans notre pays qui l'a adoptée aussi bien au plan interne qu'externe. Pour preuve, la Réconciliation prônée par l'Algérie même au-delà de ses frontières quand il s'est agi de régler les conflits de nos voisins. Les accords d'Alger entre les différentes factions maliennes sont la preuve de cette démarche de la diplomatie algérienne. Comme le prouvent également les efforts diplomatiques investis sur l'échiquier libyen. C'est cette philosophie qui a toujours constitué le soubassement de la politique du président Bouteflika. Il a donné à ce concept purement théorique, une réalité palpable sur le terrain et de manière retentissante. Quoi de plus humain pour une famille qui fait ses adieux au bidonville et accède à un logement décent offert gracieusement par l'Etat? Quoi de plus digne pour un père de famille qui peut offrir du lait, du pain et d'autres produits subventionnés à ses enfants? La réconciliation, c'est aussi l'accès aux soins et à l'éducation. Ce sont autant d'actions que nous envient bien des nations en ces temps de vaches maigres. Notre pays fait face aujourd'hui à la crise induite par la chute des prix du baril. On s'investit à fond pour surmonter cette difficile épreuve. Pour ce faire, toutes les forces vives de la nation doivent s'y impliquer. Les scènes de rapprochement observées dimanche, par tous les téléspectateurs, obéissent à cette philosophie à laquelle avait déjà souscrit des millions d'Algériens lors du référendum de septembre 2005. Cette mobilisation à l'unisson reste le credo de l'heure. Elle est surtout le moteur de l'action politique du président Bouteflika. Ce projet décliné dès son arrivée à la tête de la République en 1999, Bouteflika s'est déclaré favorable à un «dialogue sans exclusive» et partisan d'une Réconciliation nationale pour sortir son pays de l'ornière de la guerre civile. La mécanique de la paix a été enclenchée. Mieux, elle a été constitutionnalisée puisqu'une bonne place lui a été réservée dans la nouvelle Loi fondamentale révisée. On peut dire qu'elle est gravée dans le marbre. Plus qu'un projet politique, la Réconciliation nationale a eu une fonction thérapeutique. Après avoir étouffé le souvenir de ces épisodes sanglants, le remède a permis à toute une nation de panser ses plaies béantes et à ses citoyens de sortir enfin de l'effroi pour aller vers de nouvelles conquêtes économiques, sociales et politiques. Aux Algériens maintenant de se consacrer, unis pour vaincre ces problèmes principaux, économiques et sociaux. La réconciliation n'est-elle pas aussi une vertu prescrite dans notre religion, l'islam? Une baraka.