Après trois mois passés à Londres pour un traitement médical dont la nature est restée secrète, le président nigérian Muhammadu Buhari devait rentrer hier au Nigeria, avant d'adresser demain un discours à la nation. Le président «Buhari rentre au pays plus tard dans la journée, après avoir reçu un traitement médical à Londres», a affirmé hier matin un communiqué de la présidence. «Le président Buhari parlera aux Nigérians dans une allocution radio-télévisée lundi à 7h00 du matin» (6h00 GMT), précise le communiqué en ajoutant que le chef de l'Etat nigérian, 74 ans, remerciera les Nigérians pour leur soutien durant sa convalescence dans ce discours à la Nation. Le président nigérian avait quitté le Nigeria le 7 mai pour Londres où il avait déjà passé deux mois en début d'année pour des raisons médicales. La nature du traitement médical n'a jamais été précisée de source officielle. En mars, à son retour d'un précédent séjour médical à Londres, il avait confié n'avoir «jamais été aussi malade» et avait délaissé les responsabilités officielles, confiées au vice-président Yemi Osinbajo. Le premier séjour médical au Royaume-Uni du président Buhari remonte à juin 2016 - un an après sa prise de fonction - et la présidence avait alors indiqué qu'il souffrait d'une infection de l'oreille persistante. L'absence d'indication officielle sur la nature de la maladie du président avait entretenu les rumeurs dans un pays encore marqué par la mort du président Umaru Musa Yar'Adua en 2010, après des mois de traitement médical secret à l'étranger. Fin juillet, une photo du président Buhari avait été postée sur le compte Twitter officiel de la présidence nigériane. Cette photo montrait le président souriant et attablé à Londres avec un groupe de personnes. Selon la présidence, il avait reçu une délégation de «gouverneurs et dirigeants» de son parti All Progressives Congress (APC, au pouvoir). Cela n'avait pas suffi à apaiser les doutes de certains de ses compatriotes: depuis le 7 août, quelques dizaines de manifestants se réunissaient dans un parc à Abuja pour demander son retour ou sa démission. Mardi dernier, ils ont décidé d'aller encore plus loin... jusqu'au grand marché de Wuse, fréquenté essentiellement par des haoussas musulmans du Nord, comme M. Buhari. La provocation d'une vedette igbo du Sud, Charles Oputa, figure punk contestataire au Nigeria et un des organisateurs de ces manifestations, n'a guère été appréciée, déclenchant le chaos: «Charly Boy» est reparti en courant, sous les jets de pierre, abandonnant sa décapotable BMW au sort de la foule. Un autre instigateur de cette mini-fronde, Deji Adeyanju, a affirmé hier être heureux du retour du chef de l'Etat. «Cela signifie que notre objectif a été atteint», s'est-il réjoui, «nous avons organisé ces manifestations pour qu'il revienne terminer le mandat pour lequel il a été élu en 2015». «Nous continuerons à garder un oeil sur le gouvernement» afin de nous «assurer qu'il mettra en place des politiques adéquates pour faire face aux problèmes de la population», a-t-il averti, évoquant l'insécurité grandissante, les enlèvements, les affrontements meurtriers entre éleveurs ou encore le groupe jihadiste Boko Haram, mais aussi la corruption. Pour le professeur de sciences politiques à l'Université de Lagos Thomas Dapo, grâce au retour du président, «chaque décision, chaque projet portera désormais le sceau de la légitimité et de l'autorité». Il estime que la lutte anti-corruption passera également à la vitesse supérieure. «L'argument de vente de Buhari, c'est son intégrité. Il met un point d'orgue à éradiquer la corruption au Nigeria». Muhammadu Buhari, un ancien putschiste, a été élu en mars 2015 à la tête du Nigeria après une campagne électorale axée sur la lutte contre la corruption endémique dans ce pays riche en hydrocarbures.