La Russie s'est opposée aux Occidentaux sur l'implication du régime syrien dans des attaques chimiques, lors d'une réunion mardi soir à l'ONU sur le mandat des enquêteurs internationaux chargés d'en désigner les auteurs. Comme d'autres responsables russes ces dernières semaines, un représentant russe à l'ONU, Vladimir Safronkov, a déconstruit en particulier le récent rapport des experts sur le massacre au gaz sarin commis le 4 avril à Khan Cheikhoun (plus de 80 morts). Leurs conclusions imputent la responsabilité de l'attaque chimique au régime syrien. Comment peut-on recourir à autant d'expressions comme «probable», «possible», «vraisemblable» dans un document accusant Damas, s'est insurgé le diplomate russe. «Pour le régime de non-prolifération, il est utile de désigner des coupables», mais des «lacunes systémiques» ont été décelées dans le travail des enquêteurs, a-t-il relevé. Vladimir Safronkov a dénoncé le fait que les «enquêteurs» ne se soient pas rendus à Khan Cheikhoun, préférant «un travail à distance», et réclamé que la composition de leur groupe soit revue. «Leurs conclusions ne tiennent pas la route», a-t-il insisté, soulignant que le danger en Syrie était «le terrorisme chimique». Depuis jeudi dernier, deux projets de résolution, l'un russe, l'autre américain, sont en concurrence au Conseil de sécurité de l'ONU sur le renouvellement du groupe des enquêteurs des Nations unies et de l'Oiac, appelé JIM. Leur mandat expire le 16 novembre. Comme Damas, Moscou ne nie pas l'utilisation du sarin à Khan Cheikhoun mais assure que l'attaque est venue de l'explosion d'un obus au sol dans une localité contrôlée par des rebelles et des jihadistes et non d'une munition lâchée par un avion syrien comme l'affirment les enquêteurs. «Le cratère a été causé probablement par une bombe aérienne», a affirmé au Conseil de sécurité le chef du JIM, Edmond Mulet. «Un aéronef était dans les airs au moment de l'attaque», a-t-il ajouté, en défendant le travail de ses experts qui a été, selon lui, «mené de manière indépendante et impartiale». Le projet de résolution russe prévoit une prolongation du mandat des enquêteurs de six mois alors que l'américain, dont une version révisée a été publiée mardi, parle de 18 mois. La première version du texte américain évoquait un renouvellement pour 24 mois. Moscou, qui considère que les experts ne sont pas objectifs, réclame par ailleurs dans son projet de texte un gel des conclusions du rapport sur Khan Cheikhoun et que des enquêteurs soient renvoyés en Syrie sur ce dossier. Dans leur projet de texte révisé, les Etats-Unis «prennent note» du rapport sur Khan Cheikhoun - alors que leur première version parlait d'une «profonde inquiétude» - et réaffirment le «soutien» du Conseil de sécurité à ce groupe d'experts créé en 2015. Lors de la réunion du Conseil, la responsable du désarmement de l'ONU, Izumi Nakamitsu, a affirmé que la Syrie conservait «deux stocks chimiques qui n'ont toujours pas été détruits». Une mission de l'Oiac «est actuellement sur place» pour vérifier leurs conditions de stockage, a-t-elle précisé. La responsable a toutefois regretté «un manque de dialogue avec les hauts responsables syriens» spécialisés dans le domaine chimique. Dans la foulée de l'Américaine Nikki Haley, pour qui le JIM est «le meilleur outil» de l'ONU pour interdire les attaques chimiques, tous les membres occidentaux du Conseil de sécurité ont réclamé un renouvellement du mandat, crucial selon eux pour l'avenir du régime international de non-prolifération. Selon Washington, le JIM doit encore enquêter sur une soixantaine de cas d'attaques chimiques en Syrie.