Le Conseil de sécurité de l'ONU a prolongé jeudi d'un an, jusqu'en novembre 2017, le mandat d'une équipe d'enquêteurs chargés de déterminer la responsabilité d'attaques à l'arme chimique en Syrie. Une résolution en ce sens, soumise par les Etats-Unis, a été adoptée de manière unanime par les 15 pays du Conseil, y compris par la Russie alliée de Damas. Elle prévoit que le mandat de ce Mécanisme d'enquête conjoint (Joint Investigative Mechanism, ou JIM) pourra ensuite être encore prolongé si le Conseil «l'estime nécessaire». L'ambassadrice américaine Samantha Power a souligné que «le JIM est un outil essentiel pour lutter contre l'impunité». Elle a affirmé qu'il y avait «des preuves crédibles de nombreuses autres attaques à l'arme chimique menées par le régime syrien». L'ambassadeur adjoint russe Vladimir Safronkov a, lui, mis l'accent sur «les preuves abondantes de l'utilisation d'armes chimiques par des organisations terroristes» et a souhaité que les enquêteurs «ne cèdent pas à la pression de certains pays» pour blâmer Damas. Après plus d'un an de recherches, les enquêteurs ont déjà conclu que l'armée syrienne avait répandu par hélicoptère du gaz de chlore sur trois localités du nord de la Syrie en 2014 et 2015 et que le groupe jihadiste Etat islamique (EI) avait mené de son côté une attaque au gaz moutarde en août 2015. C'était la première fois que Damas était ainsi directement mis en cause et que des unités de l'armée syrienne étaient désignées nommément comme responsables d'attaques au gaz de chlore. L'ambassadeur français François Delattre a estimé jeudi que le Conseil devait «aller plus loin» et «s'assurer que les coupables soient sanctionnés». «Les conclusions du JIM établissent très clairement les responsabilités du régime» du président syrien Bachar al-Assad, a-t-il dit. Le Conseil «devrait imposer rapidement des sanctions aux hauts dirigeants (syriens) qui ont autorisé l'utilisation d'armes chimiques», a estimé le directeur pour les Nations unies de l'ONG Human Rights Watch, Louis Charbonneau. La Russie avait d'emblée mis en doute les premières conclusions de JIM accusant Damas, les estimant «peu concluantes», et elle avait rejeté les demandes de la France et du Royaume-Uni d'imposer des sanctions à son allié syrien. Paris et Londres envisagent dans un deuxième temps de tenter de faire adopter de telles sanctions par le Conseil mais ils risquent fort de se heurter à un veto russe. La résolution réaffirme que «les individus, entités, groupes ou gouvernements responsables de l'utilisation d'armes chimiques doivent rendre des comptes». Elle vise les «auteurs, organisateurs et instigateurs» des attaques, y compris les groupes liés à l'EI ou à Al Qaîda. Le travail du JIM reste limité à la Syrie, alors que la Russie avait souhaité l'étendre aux pays voisins comme l'Irak. Moscou souhaitait aussi que les enquêteurs se penchent davantage sur les cas présumés d'utilisation de produits toxiques par des groupes extrémistes comme l'EI. Sur ce point, la résolution «encourage» les enquêteurs à coopérer dans ce domaine avec des comités de l'ONU chargés de la lutte anti-terroriste et avec les Etats de la région. Le JIM devra rendre un premier rapport 90 jours après l'adoption de la résolution. Le JIM a été créé conjointement en août 2015 par l'ONU et l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). L'OIAC est chargée d'apporter les preuves de l'utilisation d'armes chimiques avant que le JIM puisse attribuer la responsabilité des attaques à l'un ou l'autre des belligérants. La Syrie a signé en 2013 la convention sur l'interdiction des armes chimiques et a éliminé son stock déclaré d'armes chimiques sous supervision internationale. Mais il est relativement facile de fabriquer du gaz toxique à partir du chlore, qui a des usages industriels. Réuni la semaine dernière à La Haye, le Conseil exécutif de l'OIAC a condamné pour la première fois la Syrie et l'EI et réclamé de nouvelles inspections. Le mandat du JIM, qui expirait fin octobre, avait déjà été prolongé de 18 jours, jusqu'à hier.