Attaque d'une caserne D'autres experts s'accordent à dire que le trafic d'armes a connu une véritable explosion depuis deux ans dans l'ensemble de la région subsaharienne, du matériel ultrasophistiqué étant acheminé soit de la Corne de l'Afrique soit du Proche-Orient. Nouveau venu depuis un peu plus d'un an dans le terreau du terrorisme au Nigeria, au Cameroun et dans certains pays du Sahel, le groupe de l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap), une composante de Boko Haram qui se revendique de l'organisation de l'Etat islamique, s'est caractérisée par rapport au mouvement lui-même par ses nombreuses attaques menées exclusivement contre les militaires dans le nord-est du Nigeria et cela à une cadence inquiétante puisqu'il ne se passe pratiquement pas une seule semaine sans que ses éléments n'attaquent des casernes et des commissariats. A cela, plusieurs raisons. La première, selon les constatations des experts locaux, tient au fait que l'Iswap est parvenu à harceler les troupes grâce à l'accumulation depuis des mois d'un arsenal conséquent, puisé à la fois dans les entrepôts militaires des bases attaquées, mais aussi grâce à un trafic d'armes soutenu en provenance des pays africains voisins. Mieux armés, ils ont ainsi réussi des coups comme celui de la semaine dernière avec le contrôle de la ville de Braga où ils ont imposé leur présence pendant des heures après avoir balayé les 600 soldats de la force multinationale mixte (Mnjtf) créée à l'initiative du Nigeria, du Niger, du Tchad et du Cameroun pour contrer Boko Haram. A Braga, ils ont non seulement pris possession d'un stock important d'armes et de munitions, mais également de véhicules dont la base militaire, stratégique au plus haut point par sa position près du lac Tchad, est abondamment pourvue. Ainsi, face à des militaires souvent limités en moyens et en munitions, Boko Haram parvient à faire figure de force combattante autrement plus dotée et manoeuvrière. D'autres experts s'accordent à dire que le trafic d'armes a connu une véritable explosion depuis deux ans dans l'ensemble de la région subsaharienne, du matériel ultrasophistiqué étant acheminé soit de la Corne de l'Afrique soit du Proche- Orient où les équipements de Daesh ont «disparu» dans bien des cas! En fait, selon toute vraisemblance, la plupart des armes ont été acheminées via le Soudan vers les zones où sévissent les groupes terroristes directement ou indirectement liés à Daesh. Outre ce fait, il semble bien qu'un nombre non négligeable de combattants ait été exfiltré d'Irak et de Syrie pour rejoindre les rangs de ces groupes terroristes et en particulier ceux de Boko Haram qui a, dit-on, bénéficié de renforts importants, du moins pour ce qui est de sa composante Iswap. La situation est d'autant plus alarmante que les forces gouvernementales sont épuisées par quatre années de lutte sans merci, avec des équipements de plus en plus rudimentaires et sans l'ombre d'une quelconque issue dans l'immédiat. Au Nigeria, l'armée doit faire face non seulement aux terroristes mais également aux affrontements ethniques ainsi qu'à l'insurrection larvée qui mine la région du Biafra. Face à Boko Haram qui applique une guérilla savamment dosée, elle affiche un moral au plus bas. En s'adressant aux forces armées le 31 décembre dernier, le chef d'état-major de l'armée de l'air, le maréchal Sadik Abubakar, a averti sur la présence de centaines de combattants étrangers de Daesh venus rejoindre les rangs de Boko Haram. «Nous avons assisté à (...) l'arrivée de combattants et technologies hautement expérimentés et qualifiés lorsque des éléments de l'EI ont été chassés de Syrie et transférés dans le nord-est du Nigeria», a-t-il alerté. Cette révélation montre que la situation est devenue critique et qu'elle confirme les nouvelles ambitions de l'Etat islamique, après sa défaite au Proche-Orient, ses recruteurs menant en outre un intense travail de propagande aussi bien au Nigeria qu'au Niger et au Tchad. Face à un Aboubakr Chekau dont les hordes procédaient à des razzias et des prises d'otages par centaines, comme les lycéennes de Chibok, le nouveau Boko Haram que dirige Abou Mossaab al Bernaoui travaille à un ancrage dans la population et un endoctrinement capable de peser sur les prochaines échéances électorales, sachant qu'en février prochain le Nigeria est appelé à une présidentielle à laquelle le président Muhammad Buhari va se représenter. Et cette stratégie risque très vite de s'avérer bien plus dangereuse que les attaques sauvages de Aboubakr Shekau.