L'armée n'a pas à se mêler de politique Si des millions d'Algériens sortent dans la rue pour un 8ème vendredi consécutif rejetant la nomination de Bensalah, la voix du peuple sera-t-elle alors entendue? Il était très attendu. Le discours prononcé, hier, par le chef d'état-major Ahmed Gaïd Salah, à Oran, n'a pas apporté les réponses souhaitées par le peuple. Certes, le vice-ministre de la Défense nationale a assuré que l'Armée nationale populaire (ANP) continuera à «consentir davantage d'efforts» pour permettre au peuple algérien de «jouir d'une totale quiétude pour le présent et le futur de son pays», mais cela n'a rien changé à la situation puisque les rues d'Alger et d'autres wilayas continuent toujours d'être investies par les manifestants rejetant la nomination par le Parlement de Abdelkader Bensalah comme chef d'Etat chargé de mener la transition. Ahmed Gaïd Salah a, encore une fois, évoqué l'important rôle que doit jouer l'ANP pour garantir le droit légitime du peuple. «(...) conscients de notre rôle en tant que militaires, l'ANP continuera, grâce à Allah Le Tout-puissant, à consentir davantage d'efforts pour la promotion permanente, le développement soutenu et la mobilisation de ses différentes composantes à l'effet de garantir le droit légitime du peuple algérien de jouir d'une totale quiétude pour le présent et le futur de son pays», a-t-il déclaré lors de sa deuxième journée de visite. Or, la quiétude du peuple réside en la satisfaction de ses revendications qu'il ne cesse de crier pacifiquement, chaque vendredi, depuis le 22 février dernier. Le peuple a refusé le 5ème mandat à Abdelaziz Bouteflika et a demandé le départ de toutes les figures apparentées au régime. En assumant «pleinement ses responsabilités historiques», comme il l'avait lui-même assuré lors du discours du 2 avril dernier dans lequel il avait sommé le désormais ex-président de la République à démissionner sans tarder, le général de corps d'armée avait alors déclaré «je suis avec le peuple et à ses côtés pour le meilleur et pour le pire, comme je le fus par le passé, et je m'engage devant Allah et devant la patrie et le peuple que je n'épargnerai aucun effort à cette fin, quoi qu'il m'en coûtera». Il avait aussi affirmé «nous soutiendrons le peuple jusqu'à ce que ses revendications soient entièrement et totalement satisfaites. Etant le fils du peuple et partant de la responsabilité historique qui m'incombe, je ne pourrai que m'aligner sur ce peuple dont la patience n'a que trop duré et qui a tant souffert des différentes épreuves. Car il est temps pour qu'il recouvre ses droits constitutionnels légitimes et sa pleine souveraineté». Ces déclarations faites par le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah le 2 avril dernier ne peuvent qu'être valables aujourd'hui encore. En parlant des droits constitutionnels et légitimes du peuple et en évoquant sa pleine souveraineté, cela confirme donc que sa référence aux articles 7 et 8 de la Constitution émanait d'une réelle conviction. Que décidera-t-il alors le vendredi prochain en constatant que le peuple refuse l'application intégrale de l'article 102? Si des millions d'Algériens sortent dans la rue pour un 8ème vendredi consécutif rejetant la nomination de Bensalah, la voix du peuple sera-t-elle entendue alors? Comment peut-on organiser une élection présidentielle si le peuple et la majorité des partis politiques décident de ne pas y participer? La situation se complique davantage, surtout que le discours du chef de l'état-major, contrairement à ce qui était attendu, a été empreint de prudence. Certes, l'armée n'a pas à se mêler de politique. Mais, elle doit, comme elle l'a, elle-même affirmé, «trouver une solution à cette crise, une démarche qui émane exclusivement et strictement de notre allégeance envers la Patrie et uniquement la Patrie». Autrement dit, l'armée qui est la colonne vertébrale de l'Etat a l'obligation d'accompagner son peuple tout au long de son chemin vers une Algérie nouvelle.