En s'interdisant le moindre commentaire sur le fait politique du jour, à savoir la désignation de Bensalah comme chef d'Etat intérimaire, le chef d'état-major de l'ANP suggère que l'armée est plus que jamais attachée à la solution "constitutionnelle". Une semaine après le départ forcé du président Bouteflika dont elle a réclamé la démission, l'Armée nationale populaire, par la voix de son chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, n'a pas jugé utile de commenter l'événement. Du moins jusqu'à hier. À Sidi Bel-Abbès où il a supervisé l'exécution d'un exercice démonstratif avec munitions réelles "Hasm 2019", Ahmed Gaïd Salah, qui a prononcé une allocution devant les éléments des unités ayant exécuté cet exercice, n'a pas soufflé mot sur la situation politique, ni sur les événements qui agitent la scène nationale. À peine a-t-il mis en exergue l'importance de la préparation et des exercices d'évaluation de différents niveaux et plans pour les éléments de l'ANP, afin d'atteindre le "développement effectif et l'amélioration réelle du rendement". "Afin de réaliser ce noble objectif, et conscients de notre rôle en tant que militaires, l'ANP continuera, grâce à Allah le Tout-Puissant, à consentir davantage d'efforts pour la promotion permanente, le développement soutenu et la mobilisation de ses différentes composantes à l'effet de garantir le droit légitime du peuple algérien de jouir d'une totale quiétude pour le présent et le futur de son pays", a déclaré Ahmed Gaïd Salah, selon des propos publiés sur le site du MDN. On ignore si le silence de Gaïd Salah, très loquace ces derniers temps, est simplement conjoncturel ou s'il procède d'une stratégie dont les contours demeurent, pour l'heure, flous pour le commun des Algériens. Mais a priori, il s'agit peut-être pour l'ANP, dont l'intrusion systématique et fracassante dans le champ politique est décriée, de délivrer le message selon lequel elle s'en tient à ses missions constitutionnelles, comme elle le proclame assez souvent, sans trop convaincre. Du reste, ce silence, au moment où Abdelkader Bensalah est désigné à la "hussarde", au mépris de la volonté populaire, et que des tentations de recours à la force pour affaiblir la mobilisation apparaissent de plus en plus, comme en témoigne la répression de la marche des étudiants hier, suggère que l'armée est plus que jamais attachée à la solution "constitutionnelle", une démarche, visant de l'avis de tous, à sauver un système obsolète, honni et condamné, à l'origine de la situation actuelle. Il s'agit non seulement d'une option, mais aussi d'une caution, voire d'une bénédiction. Vu sous cet angle, la référence de Gaïd Salah à l'application des articles 7 et 8, lesquels renvoient à la souveraineté du peuple, ne participe, au mieux, que d'une volonté de "détourner les aspirations populaires", au pire, d'une justification d'un "coup de force" qui ne dit pas son nom. Mais assurément, les prochaines semaines n'augurent rien de bon. À moins que la mobilisation populaire, qui se nourrit des erreurs du régime, comme celle d'imposer Bensalah que même El Moudjahid appelle à partir, ne vienne changer les termes de l'équation.