La situation en Libye où les forces du général à la retraite Khalifa Haftar ont arraisonné, voici quelques jours, un navire turc pour « contrôler » son équipage et sa marchandise, est en train d'évoluer lentement mais dangereusement. Les ingérences étrangères, loin de s'estomper comme le réclame la communauté internationale depuis plusieurs mois, ne font que prendre de l'ampleur ainsi que l'indique le récent appel du Premier ministre Fayez al Serraj adressé aux cinq pays amis dont la Turquie pour intensifier la coopération sécuritaire avec Tripoli.Ankara n'a pas fait mystère de son intention de répondre à cette lettre d'al Serraj avec l'envoi de renforts militaires destinés à barrer la route de la capitale aux forces de l'Armée nationale libyenne autoproclamée du général Haftar. C'est ainsi que le président turc, Recep Tayyip Erdogan est arrivé, hier, à Tunis pour une visite de travail d'une journée, annoncé par la présidence tunisienne. La conseillère à la présidence tunisienne, chargée de la communication, Rachida Ennaifer a déclaré que le président Kaïs Saïed a accueilli son homologue turc à l'aéroport Tunis-Carthage, sans apporter une quelconque indication sur l'objet de cette visite ni sur les sujets à l'ordre du jour des entretiens entre les deux chefs d'Etat. Mais des sources locales ont indiqué que cette visite est relative au dossier libyen, sachant que le président Erdogan a rencontré à deux reprises le Premier ministre al Serraj à Ankara, notamment lors de la signature d'un protocole d'accord sur la délimitation des zones maritimes en Méditerranée et qu'il a évoqué avec lui l'envoi d'un contingent pour appuyer les forces loyales au Gouvernement d'union nationale ( GNA ) qu'il préside, reconnu par la communauté internationale mais combattu par les autorités de l'Est dont Khalifa Haftar est le bras armé. Fayez al Serraj s'est rendu dernièrement à Tunis où il a rencontré le président tunisien Kaïs Saïed et nul doute que les deux hommes ont évoqué ces questions qui préoccupent les pays voisins de la Libye, à savoir l'Algérie et la Tunisie. L'évolution de la crise est d'ailleurs suivie attentivement par Alger et Tunis et le président Abdelmadjid Tebboune a rappelé, dans son discours d'investiture que « l'Algérie n'acceptera jamais d'être tenue à l'écart » des solutions préconisées dans le dossier libyen. Il est significatif que le président Recep Tayyip Erdogan soit accompagné, durant cette visite impromptue à Tunis, par les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, Mevlut Cavusoglu et Hulusi Akar, le chef des services de renseignement, Hakan Fidan, le chef du département de la communication de la présidence, Fahrettin Altun et le porte-parole de la présidence Ibrahim Calin. Et le fait que son passage par Tunis intervienne au lendemain d'une rencontre entre le président Kaïs Saïed et les représentants du « Conseil suprême des tribus et des villes libyennes » revêt une signification toute particulière, sachant que la rencontre de lundi dernier a été sanctionnée par une « Déclaration de Tunis pour la paix » appelant les Libyens à «s'asseoir à la table de dialogue», et à «une solution libyenne» pour sortir d'un conflit qui meurtrit le pays depuis plus de huit ans. Cette « Déclaration de Tunis », rendue publique après la rencontre au Palais de Carthage, a exhorté tous les Libyens à « s'asseoir à la table de dialogue dans le but de parvenir à une formule de compromis pour sortir de la crise libyenne actuelle, dans le cadre de l'accord politique libyen et le respect de la légitimité internationale, en passant de cette légitimité à la légitimité libyenne, qui repose sur la légitimité populaire», selon l'agence TAP. Et elle affirme que « la solution en Libye ne sera que libyenne, sans exclure ni marginaliser aucune partie, quelles que soient ses affiliations politiques ou idéologiques, ou la région à laquelle elle appartient, sous le toit d'un système civil, dans un Etat libyen unifié, et en soutenant les efforts de réconciliation nationale globale», indique la même source. Enfin, le document prône « la préparation d'une conférence libyenne fondatrice qui comprend toutes les composantes du spectre politique et social, pour adopter une loi de réconciliation nationale complète et organiser des élections législatives, présidentielles et locales libres et équitables ». Tels sont les axes proposés et affirmés constamment par le groupe des pays voisins dont l'objectif est d'arrêter l'effusion de sang et de réconcilier tous les Libyens, sur la base du respect de la souveraineté et de l'intégrité du pays.