Différé en raison d'un agenda diplomatique très chargé, le dialogue que le président Abdelmadjid Tebboune a entamé dès son élection, le 12 décembre dernier, vient d'être relancé avec un conciliabule entre le chef de l'Etat et le Mouvement de la société pour la paix. La rencontre d'hier avec le parti de Abderezzak Makri est la seconde que le président tient avec une formation politique. Mais Abdelmadjid Tebboune a déjà échangé avec plusieurs personnalités politiques dont les anciens chefs du gouvernement, Mouloud Hamrouche et Ahmed Benbitour, l'ex-président de l'APN, Karim Younès ou encore l'ex-ministre Abdelaziz Rahabi. Il a même dérogé aux us et coutumes en décidant de se rendre, lui-même, chez Ahmed Taleb Ibrahimi, en raison de l'état de santé de cette ancienne figure du Mouvement national. Lors de toutes ces entrevues, le nouveau locataire d'El Mouradia a expliqué les démarches qu'il a lancées pour instaurer la confiance devant renforcer le dialogue dans l'objectif de concrétiser le processus de changement global, auquel, candidat, il s'était engagé. Mais il a aussi écouté les observations et suggestions faites par ses invités visant à asseoir les fondements de la nouvelle République. C'est à travers ces conceptions divergentes de la situation générale du pays et de la manière de remettre les choses sur les rails, que le président Tebboune va engendrer le processus politique le plus unificateur. Ce qui est loin d'être de tout repos. Abdelmadjid Tebboune tente de convaincre toutes les dynamiques qui animent la scène politique à adhérer au dialogue. Il a déjà réussi à séduire une partie de l'opposition qui s'est prononcée en faveur d'une large consultation. Reste les animateurs du Pacte de l'alternative démocratique (PAD) et les figures du mouvement de protestation, qui eux, attendent toujours des mesures d'apaisement et une plus large ouverture médiatique et des libertés, seules à même de les convaincre de la réelle volonté du pouvoir d'aller vers le changement. A voir ses déclarations, le président devrait aller dans ce sens. Lors de sa rencontre avec des responsables de médias le 22 janvier dernier, Abdelmadjid Tebboune a rappelé son engagement de «satisfaire toutes les revendications du Hirak, y compris l'amendement de la Constitution et des lois, outre le changement radical des fondements de notre démocratie en Algérie et l'édification d'une démocratie réelle, la lutte contre l'exclusion, sous toutes ses formes, la lutte contre la corruption et la moralisation de la société». La révision de la Constitution et l'amendement de la loi électorale sont des chantiers déjà lancés. Le président Tebboune a, dans sa lettre au Comité d'experts installé pour proposer un projet de la nouvelle Loi fondamentale, balisé le terrain en proposant sept grands axes de la réforme constitutionnelle qui sera adoptée, ensuite, par référendum. Il s'agit, notamment du renforcement des droits et libertés des citoyens, la moralisation de la vie publique et de la lutte contre la corruption, consolidation de la séparation et de l'équilibre des pouvoirs, renforcement du pouvoir de contrôle du Parlement, indépendance du pouvoir judiciaire, l'égalité des citoyens devant la loi et enfin la consécration constitutionnelle des mécanismes d'organisation des élections. Le président a cependant promis qu'il ne se suffira pas des axes qu'il a proposés, mais intégrera aussi les propositions qui seront formulées au cours du dialogue. Il ne précise, cependant pas, la démarche qui sera suivie pour leur intégration. Cela ne pourra nullement se faire au niveau de l'APN dont la majorité reste acquise au FLN et RND, deux partis en crise depuis l'éclatement de la révolte du 22 février dernier. Ni même lors de l'organisation du référendum populaire car le citoyen sera invité à approuver le texte fondamental dans son ensemble ou à le rejeter. Quelle que soit la méthode qui sera choisie pour la confection définitive du texte fondateur de la nouvelle Algérie, il est clair que ce texte doit refléter la volonté populaire. Toutes les énergies citoyennes doivent donc participer à son élaboration. Abdelmadjid Tebboune a promis, dans ce sens, de garder les portes grandes ouvertes en s'adressant, au lendemain de son élection, directement «au Hirak, que j'ai à maintes reprises qualifié de béni, pour lui tendre la main afin d'amorcer un dialogue sérieux au service de l'Algérie et seulement l'Algérie».