Inédit, extravagant! Le baril de pétrole américain s'est effondré il y a quarante-huit heures sous zéro dollar. Les cours du West Texas Intermediate (WTI) ont plongé lundi en territoire négatif pour la première fois de leur histoire à moins 37 dollars. Une situation qui a mis les investisseurs dans une position inimaginable. Ils étaient prêts à payer d'éventuels acheteurs pour se débarrasser de leur pétrole. Qui l'aurait cru? Ce scénario invraisemblable a pourtant été évoqué par certains spécialistes. Les prix du pétrole n'ont en effet pas cessé de dégringoler depuis l'apparition de l'épidémie de coronavirus en Chine en décembre avant que l'Arabie saoudite et la Russie ne leur portent le coup de grâce à travers la guerre des prix qui les a opposés. Les Saoudiens avaient décidé d'augmenter leur production à 12 millions de barils par jour et de brader leur pétrole après le refus des Russes de répondre favorablement, lors d'un sommet qui s'est tenu le 6 mars à Vienne, en Autriche, à leur proposition de procéder à une nouvelle coupe de la production de l'alliance Opep-non Opep, dans un marché déjà saturé. Certes, l'organisation des pays producteurs de pétrole, à leur tête l'Arabie saoudite et leurs partenaires dont la Russie ont tenté de stopper l'hémorragie en annonçant une baisse record de 10 millions de barils par jour le 9 avril dernier qui ne sera effective qu'à partir du 1er mai, mais sans succès. Un coup d'épée dans l'eau. Le mal étant profond. Le Covid-19 a rongé un marché pétrolier déjà mal en point. Si dans un premier temps la guerre des prix russo-saoudienne a enfoncé le baril de Brent, référence du pétrole algérien, sous les 30 dollars, le but inavoué de ces deux poids lourds du marché mondial de l'or noir était de se débarrasser des producteurs de pétrole de schiste américain. Les Etats-Unis sont devenus premier producteur d'or noir grâce à son exploitation effrénée. Ce qui a, par ricochet, inondé le marché pétrolier et largement contribué soit à ralentir les rebonds répétés des prix du baril soit à carrément contribuer à les faire chuter. «Le boom du schiste, qui a permis aux Etats-Unis de devenir le premier producteur mondial d'or noir devant la Russie et l'Arabie saoudite, a nécessité des milliards de dollars d'engagements financiers que banques et investisseurs, avec des taux d'intérêt particulièrement bas, ont accordé» souligne un rapport de Moody's rendu public vers la mi-février 2020. «Les sociétés d'exploration et de production aux Etats-Unis et au Canada ont environ 86 milliards de dollars de dette à rembourser entre 2020 et 2024» indique la célèbre agence américaine de notation financière qui souligne que 62% de cette dette est considérée comme spéculative. Avec un pétrole américain qui se vend à perte, c'est la mort annoncée de ce qui était considéré comme un filon. Un rêve américain qui s'est transformé en cauchemar. Une «pétro-bombe» qui risque de faire tanguer l'Amérique. Face à cette situation ubuesque dévastatrice, le président américain a annoncé que les Etats-Unis vont profiter de la chute historique des prix du pétrole pour acheter 75 millions de barils afin de remplir leur réserve stratégique, a indiqué le successeur de Barack Obama. «Nous remplissons notre réserve stratégique de pétrole [...] et nous pensons mettre jusqu'à 75 millions de barils dans les réserves elles-mêmes, ce qui les remplirait», a déclaré le locataire de la Maison-Blanche de son point de presse quotidien consacré à la pandémie de Covid-19. Donald Trump fait contre mauvaise fortune bon coeur.