Fervent défenseur de la cause de son peuple, mais aussi panafricaniste convaincu et membre actif de «l'Association des familles des prisonniers et disparus sahraouis», Bachir Moutik revient avec nous, dans cet entretien, sur l'impact du nouveau coronavirus, sur la lutte des Sahraouis, mais aussi, sur les perspectives de la construction d'une Afrique unie. L'Expression: Pouvez-vous nous faire un point de situation sur ce qui se passe actuellement, dans les territoires occupés et les camps (Covid-19)? Bachir Moutik: Actuellement, et heureusement d'ailleurs, il n'y a pas de cas de Covid-19 dans les campements des réfugiés sahraouis à Tindouf. Les autorités sahraouies ont appliqué le confinement très tôt et ont réduit les déplacements entre les différentes wilayas. Dans les territoires occupés il y a eu quelques cas (moins de 10), mais tous guéris. Cependant, les autorités marocaines n'ont pas respecté les instructions du confinement car elles ont permis à des pêcheurs marocains d'accéder quand même aux territoires occupés ce qui constitue un danger pour les populations. Le régime marocain a refusé la libération des prisonniers sahraouis malgré les appels incessants du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme et de plusieurs ONG. Toutefois, globalement les Sahraouis ont été épargnés pour l'instant et nous espérons que ça dure. Le virus a mis en stand- by le monde entier, qu'en est-il de la cause du peuple sahraoui? Effectivement, la pandémie du Covid-19 a impacté fortement la cause du peuple sahraoui. Sur le plan politique, le secrétaire général de l'ONU n'a pas réussi à nommer un nouvel envoyé personnel pour le Sahara occidental depuis la démission, le 22 mai 2019, de l'ancien envoyé monsieur Horst Köhler. La communauté internationale est occupée par la gestion de cette pandémie et par conséquent la résolution du conflit du Sahara occidental est reléguée au second plan. La répression dans les territoires occupés continue avec des nouvelles arrestations et des simulacres du procès contre les militantes et militants sahraouis. Egalement, les conséquences économiques et sociales sont importantes. On peut citer le cas de l'annulation des vacances d'été en Europe des enfants sahraouis, vivant dans les campements, à cause de la situation sanitaire, notamment en Espagne, l'Italie et la France. Ce qui est très difficile pour ces enfants qui n'auront pas cette année d'autre choix que de passer l'été dans la chaleur de la hamada de Tindouf. Au niveau de la solidarité internationale, toutes les actions et activités en faveur de la cause du peuple sahraoui sont soit annulées soit reportées à cause du confinement appliqué dans la majorité des pays. On parle souvent des avancées en matière de lutte concernant votre pays, pouvez-vous nous faire un récapitulatif de ces avancées? ces dernières années, la cause du peuple sahraoui a connu des avancées notables, notamment dans les batailles juridiques au niveau de l'Union européenne pour arrêter l'exploitation illégale des ressources sahraouies par les entreprises européennes avec l'appui du régime marocain. Il y a eu des avancées au niveau des institutions de l'Union africaine qui ont réaffirmé l'urgence de permettre au peuple sahraoui d'accéder à son droit à l'autodétermination et par conséquent mettre fin à la colonisation du Sahara occidental. Nous constatons également une grande sensibilisation des peuples à la cause du peuple sahraoui partout dans le monde. A l'occasion de la Journée de l'Afrique, l'UA a affirmé son engagement en faveur du peuple sahraoui pour son autodétermination, qu'en pensez-vous? L'Union africaine, et avant, l'Organisation de l'unité africaine, a toujours pris des positions très claires en faveur de l'autodétermination du peuple sahraoui. Les dernières décisions de l'UA et ses institutions, comme le Conseil de paix et de sécurité et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, ont réaffirmé ces positions et ont demandé clairement la fin de la colonisation du Sahara occidental. L'UA a exigé la participation de la République arabe sahraouie démocratique à tous les sommets entre l'UE et les autres pays et institutions régionales. Donc l'UA continue à jouer un rôle positif et oeuvre pour l'indépendance du Sahara occidental malgré les pressions effectuées par la France qui n'épargne aucun effort pour retarder l'autodétermination du peuple sahraoui et ainsi bloquer la construction du Grand Maghreb des peuples. A votre avis, quel rôle devront jouer les Etats forts du continent pour aller vers la concrétisation des droits du peuple sahraoui? à mon avis, suite à cette pandémie il devient urgent pour les pays africains de penser sérieusement à l'Afrique de demain, une Afrique prospère, démocratique et libre de toute soumission au capitalisme et d'accélérer les processus d'intégration politique et économique de l'Afrique. L'Afrique de demain ne se fera pas sans la décolonisation du Sahara occidental. Aujourd'hui, la France fait tout pour empêcher l'indépendance du Sahara occidental, pour maintenir sa mainmise sur les pays de l'Afrique du Nord et ceux de l'Ouest africain. Or, l'indépendance du Sahara occidental est à la fois, la clé pour la concrétisation du rêve maghrébin d'avoir une région nord-africaine intégrée politiquement, économiquement et socialement et aussi la pierre angulaire pour permettre à l'Afrique de se libérer définitivement du joug de la colonisation et de couper définitivement avec les politiques néo-colonialistes, notamment menées par la France. Par conséquent, les pays africains sont amenés à travailler ensemble pour permettre au peuple sahraoui de se libérer de la colonisation marocaine et également pour construire l'Afrique de demain.