Le chef du gouvernement tunisien, Elyes Fakhfakh, a annoncé lundi soir avoir décidé un remaniement ministériel «dans les prochains jours» suite à la décision du parti Ennahdha de «rompre» avec l'actuel gouvernement, rapportent les médias. Il s'agit d'un «remaniement ministériel qui tient compte de l'intérêt supérieur de la patrie et sera annoncé dans les prochains jours», a-t-il précisé dans une déclaration publiée sur la page facebook de la Présidence du gouvernement, après une conférence de presse au cours de laquelle le mouvement Ennahdha a appelé au lancement de «concertations pour un nouveau gouvernement». Dans ce sens, M. Fakhfakh a rappelé les «efforts intenses» qu'il a déployés au cours des dernières semaines pour conforter la coalition au pouvoir et qui, a-t-il dit, se sont «heurtés à des tentatives menées parallèlement par Ennahdha à dessein d'introduire des changements significatifs aussi bien sur la forme que sur le fond de l'action gouvernementale, ce qui a déstabilisé son action et entravé sa stabilité». Il a rappelé que le «mouvement avait, pourtant, signé le document gouvernemental et que son appel à la formation d'une nouvelle équipe constitue une violation criante du pacte politique qui l'engage aux côtés des autres composantes de la coalition et du chef du gouvernement». Dans ce sens, il a regretté le «peu d'intérêt accordé par Ennahdha à la stabilité des institutions de l'Etat et de l'économie nationale, déjà affaiblie par les répercussions du Covid-19 et par les crises structurelles à répétition». «Ces appels au changement témoignent d'un manque de responsabilité en cette phase délicate qui requiert davantage de solidarité entre les membres de la coalition et de placer l'intérêt de la patrie au dessus de toute considération», a-t-il insisté. Le chef de l'Exécutif tunisien a dénoncé, en outre, «l'instrumentalisation politique de l'affaire de conflit d'intérêt par Ennahdha, laquelle a pris des proportions démesurées auprès de l'opinion publique». «Alors que l'affaire est entre les mains de la justice, a-t-il ajouté, des partis dont Ennahdha, partenaire de la coalition au pouvoir, ont poursuivi leurs manoeuvres visant à aggraver la crise». M. Fakhfakh a rappelé s'être, à maintes reprises, expliqué sur ce dossier, qui a été utilisé pour discréditer le gouvernement et le détourner de son engagement sur la voie de la réforme et du changement». Un engagement, qui, a-t-il estimé, «n'a pas été du goût de certaines parties». Le parti d'inspiration islamiste Ennahdha, principale force du Parlement tunisien, a appelé lundi à des négociations pour un changement de gouvernement alors que le Premier ministre est sous le coup d'une enquête pour conflit d'intérêts. Le président Kaïs Saïed s'est opposé à des concertations en coulisses, et le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh a répliqué, lundi soir, en laissant entendre qu'il pourrait écarter des ministres d'Ennahdha qui est en difficulté au sein de la coalition. Organe consultatif du parti, le Conseil de la Choura «a confié à son dirigeant Rached Ghannouchi le soin de mener des consultations (...) pour s'entendre sur un nouveau gouvernement», a indiqué lundi matin son président, Abdelkarim Harouni.»La situation économique et sociale très grave ne peut être surmontée par un gouvernement dont le chef est soupçonné de conflit d'intérêts», a expliqué M. Harouni en conférence de presse. «Ennahdha n'accepte aucun soupçon de corruption dans ce gouvernement.» Le Premier ministre Fakhfakh, est sous le coup d'une enquête parlementaire, car il est accusé de ne pas avoir cédé la gestion de ses parts dans des sociétés d'assainissement qui ont remporté d'importants marchés publics. Le président Kaïs Saïed a rétorqué qu'il était opposé à des négociations entre les partis sur un nouveau gouvernement, après une réunion avec M. Fakhfakh et le secrétaire général de la puissante centrale syndicale UGTT Noureddine Taboubi. «Il n'y aura pas de consultations tant que le Premier ministre sera au pouvoir», a-t-il déclaré selon un communiqué de la présidence, ajoutant que seule une démission du chef du gouvernement ou un vote de défiance, pouvaient justifier de telles consultations. La coalition gouvernementale actuelle comprend plusieurs blocs parlementaires divergents, dont certains ont voté des motions contre Ennahdha, leur allié au gouvernement, et son chef Rached Ghannouchi. Ainsi, le parti nationaliste Charb et le parti démocrate Attayar, ont soutenu une motion en cours de discussion qui pourrait demander le retrait de M. Ghannouchi de la présidence du Parlement. Ennahdha souhaite intégrer le parti libéral laïc Qalb Tounes, deuxième parti du Parlement, au sein de la coalition, estimant qu'elle serait ainsi plus stable. Le Parlement issu des législatives d'octobre 2019 est profondément fragmenté, alors que la population est en attente d'une relance de l'économie et une amélioration de la situation sociale.