Utopie ou rêve réalisable? Seul l'avenir nous le dira. Le volet économique aura eu sa part du lion dans le discours présenté à Khartoum par le président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika. C'est peut-être l'une des rares fois, où à la tribune de cette instance, les questions économiques auront été développées avec autant de poésie, et une pointe d'utopie, tant il paraît à l'heure actuelle que le monde arabe est divisé en pays riches, dont notamment ceux qui font partie du Conseil économique du Golfe (CCG), et pays pauvres, dont le Soudan fait indéniablement partie. Est-ce du reste la raison pour laquelle le sommet de Khartoum a été boycotté par les principaux leaders arabes? Cela n'a pas empêché le chef de l'Etat algérien d'être très convaincant dans sa plaidoirie. «Si nous voulons rassembler nos capacités et nos potentialités matérielles, techniques et humaines dans un cadre de complémentarité qui nous permette de préserver nos intérêts et d'être partie prenante des événements qui se déroulent autour de nous, nous devons accélérer l'intégration arabe dans la grande zone de libre-échange.» Utopie ou rêve légitime? Rien ne milite à l'heure actuelle pour une intégration arabe. Les conditions objectives ne sont pas réunies, loin s'en faut. Sur le plan politique, les dissensions l'emportent aisément. Il n'est même pas utile de recenser les mésententes entre pays arabes. Sur le plan purement économique, financier et monétaire, la chose est encore plus visible. En l'an 2001 déjà, on estimait que les avoirs arabes déposés dans les banques occidentales dépassaient les 1200 milliards de dollars. Avec la flambée des cours du baril, cette somme devrait avoir été multipliée par dix. Une partie infime de cette manne suffirait à sortir le monde arabe de son sous-développement, en investissements arabes directs. Mais tout le monde sait que ce n'est pas du tout le cas. Ce qui amène, une fois de plus, M. Bouteflika a être un pionnier en la matière. Ainsi, après avoir été derrière les réformes des structures de la Ligue arabe depuis le sommet d'Alger, notamment avec la création du Parlement arabe, le chef de l'Etat algérien voudrait passer à une autre étape, celle du marché commun arabe, lequel conduira, selon ses termes, à l'émergence d'un ensemble économique arabe homogène, digne du respect de nos partenaires étrangers. Un ensemble qui « nous érigera en partenaire ayant son mot à dire dans le processus de prise de décision et définition des grands axes des relations économiques internationales». Dans la lancée, le président de la République s'est dit persuadé que cette session aura à examiner une série de dossiers politiques, économiques et sociaux qui convergent tous dans le sens des démarches visant à poursuivre les réformes, «consolider notre processus de complémentarité et jeter les bases solides d'un espace arabe rassembleur», dans lequel le citoyen, où qu'il soit à travers la nation arabe, jouira de la liberté de circulation, de résidence et de travail, dans un climat de confiance et de respect mutuels. La chose paraît encore loin. C'est un projet de longue haleine, mais le chef de l'Etat n'hésite pas à entrevoir les prémices d'un espace arabe cohérent et complémentaire. C'est déjà un premier pas.