Djemiai Mohammed, nous livre son point de vue sur le projet de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. C'est un point de vue d'un opérateur économique. M.Djemiai est actuellement le vice-président de LG-Algérie. C'est l'avis d'un élu et d'un acteur politique puisque notre interlocuteur a occupé durant la période 2003-2004, le poste de vice-président de l'APN et il est actuellement député indépendant représentant de la wilaya de Tébessa. Il s'agit d'une vision d'un intellectuel et universitaire algérien en ce sens que M.Djemiai est détenteur d'une licence en commerce option gestion et organisation, titulaire d'un magistère en technique de gestion des entreprises et prépare également un magistère en diplomatie. Enfin c'est tout simplement l'avis d'un Algérien jaloux de son pays, épris de paix et qui adhère sans rechigner au programme du président de la République. L'Expression: M.Djemiai, en votre qualité d'opérateur économique, d'acteur politique et d'intellectuel, peut-on connaître votre avis sur le projet de la Charte pour la paix et la réconciliation proposé à référendum par le président de la République? M.M.Djemiai: La Charte pour la paix et la réconciliation est une nécessité imposée par la situation qu'a vécue le pays depuis le début des années 90. A cette situation il a fallu des projets de sortie de crise dont l'un des principaux a été la Concorde nationale. Nous l'avons adopté et défendu comme étant un projet civilisationnel pour régler cette crise. Grâce à ce projet la situation du pays s'est améliorée mais pas à cent pour cent. Ainsi, le président de la République est venu avec une autre proposition : le projet de la Charte pour la paix et la réconciliation. Une initiative très importante, capitale et déterminante pour l'avenir du pays. Ce projet est la seule et unique issue pour en finir avec la crise algérienne. Je salue d'ailleurs, le caractère lucide et franc du président dans son discours au peuple algérien lors de la présentation du projet de charte en août dernier. Je dis également que c'est un projet civilisationnel. Pourquoi? Parce qu'il prend en charge tous les aspects de la crise. Il englobe le dossier des victimes du terrorisme, de leurs familles, des familles des terroristes, des fils des terroristes et des terroristes eux-mêmes, des disparus, des familles des disparus... C'est un projet civilisationnel car, on a accusé un grand retard. C'est donc une véritable aubaine qui nous permettra de rattraper ce retard accusé dans le développement économique et social. C'est une chance qui nous permettra de nous consacrer à l'avenir du pays. Car, pour aspirer à un décollage économique, il faut bien un socle et créer des conditions nécessaires pour ce décollage lesquelles conditions tiennent d'abord à la paix. Pensez-vous qu'il y a vraiment nécessité d'un référendum puisque le président de la République a eu, le 8 avril 2004, l'aval du peuple notamment pour sa promesse de rétablir la paix totale en Algérie? Le président s'est engagé devant le peuple à concrétiser la paix depuis son premier mandat et durant la campagne électorale pour le second mandat. Je fais partie de ceux qui ont adopté ce projet. La Charte pour la paix et la réconciliation n'est que la suite de la Concorde nationale. Il faut noter que le projet proposé par le président n'est pas une mince affaire. Il s'agit du sort d'une nation entière. C'est une question décisive qui concerne tout le peuple algérien sans exclusion. Le président de la République a été franc avec le peuple en lui soumettant la question. Evidement, il est de notre devoir en tant que personnalités convaincues et qui adhérons pleinement à ce projet de l'expliquer et de sensibiliser les populations. Nous avons soumis l'idée depuis des mois. Le peuple est conscient qu'il ne peut pas vivre sans paix et c'est sous la paix totale qu'il peut revendiquer ses droits. Des voix s'élèvent et contestent certains points contenus dans le projet du président. Elles affirment que plusieurs passages inscrits dans cette charte ne sont pas clairs. Qu'en pensez-vous? A chacun sa vision, son point de vue. Mais si nous partons seulement du fait que cette charte constitue un début, c'est déjà un acquis. Nous avons quelque chose, un point de départ, un repère. N'est-ce pas mieux que rien du tout, qu'un statu quo? Il est clair que le projet en lui-même n'est pas détaillé, c'est un projet global. Mais comme je viens de vous le dire, il y aura des textes de loi qui vont clarifier les choses en détail une fois le projet adopté par le peuple. Dans l'un de ses articles, la charte interdit l'activité politique à ceux qui ont été derrière la décennie rouge, quel est votre avis sur cette disposition? Je suis parfaitement d'accord avec cette disposition. Il est tout à fait normal d'interdire l'activité politique à ceux qui ont induit en erreur toute une génération avec de fausses et dangereuses idées. L'Algérie regorge de jeunes instruits qui n'épousent pas ce genre d'idées. Ils veulent vivre et concrétiser les choses nobles pour lesquelles ils existent. Cette jeunesse retrouve son espoir et se reconnaît dans les idées développées depuis 1999. Pour preuve, en cinq années de gouvernance, elle a renouvelé sa confiance au président Bouteflika avec plus de 85% à la présidentielle de 2004. Comment appréhendez-vous l'après-29 septembre? Parmi les raisons qui m'ont poussé à soutenir le projet du président, c'est justement ma vision et la conception que je me fais des lendemains de notre pays. C'est parce qu'il véhicule les moyens d'une renaissance nouvelle de l'Algérie. Le premier de ces moyens n'est autre que la paix. Nous vivons dans un monde d'ouverture et de mondialisation. Nous n'avons pas d'autre alternative que de nous ouvrir sur les autres cultures. Nous avons une force financière. Avec le retour de la paix, rien ne nous empêchera d'avancer et de créer de la richesse avec des projets de développement. Et dans ce domaine précis, le programme du président prend en charge tous les aspects qui permettront de créer cette richesse. Il n'y a qu'à voir le nombre de projets qui embrassent tous les secteurs d'activités sans exception. Puisque vous évoquez le volet économique, que pensez-vous justement des accords signés par l'Algérie avec l'UE et surtout des réticences exprimées par certains opérateurs économiques? Encore une fois, on a accusé un grand retard. On a été les premiers, par rapport à nos voisins tunisiens et marocains, à avoir entamé les négociations avec l'UE et les derniers à concrétiser ces accords du fait de l'insécurité. Ces accords sont une occasion pour nous de nous ouvrir sur le monde extérieur. Depuis l'indépendance du pays, on s'est renfermés sur nous-mêmes. On a bâti des complexes et des usines sans aucune stratégie économique. La politique du prestige ne tient plus. Les accords d'association comme l'indique bien le qualificatif «association» nous permettront de gagner en matière de qualité, de mise à niveau, de management, de prix, de concurrence et de compétitivité. C'est sous cet angle qu'il faut voir les accords d'association et non sous l'angle d'une marchandise à dédouaner et de produits à importer. Et puis, ces accords sont négociés par des experts algériens qui ont une vision économique et à qui on ne peut pas reprocher leur patriotisme. Cela dit, il faut reconnaître qu'en matière de communication et d'explication, les instances habilitées à le faire, comme le ministère du Commerce, n'ont pas été au niveau. C'est à mon sens l'une des raisons principales qui amènent nombre d'opérateurs économiques à exprimer des craintes vis-à-vis de ces accords. Soit, mais il se trouve que nombre d'entreprises algériennes sont aujourd'hui incapables de faire face à la concurrence, d'exporter par exemple leurs produits... ? Si nous n'avons pas d'entreprises capables de faire face à la concurrence, donc il est temps de se remettre au travail pour les créer. Aujourd'hui, du point de vue économique, les entreprises publiques n'ont aucune vision, donc non viables. Elles ne sont pas renouvelables ni vaccinables. Elle est devenue comme ce patient âgé de 80 ans et atteint d'une tumeur à l'état avancé. Vous faites un diagnostic, et que proposez-vous comme remède à cela ? C'est l'investissement privé. Le système des monopoles étatiques n'a pas été une expérience réussie, c'est un échec et les résultats sont là pour le prouver. Ce système a inhibé l'esprit d'initiative, de créativité et de responsabilité chez le travailleur. On ne peut pas tourner le dos au monde et ignorer la tendance mondiale. Pour ne pas rater ce train, il faut une batterie de lois précises qui encouragent réellement l'investissement privé. Ce faisant, le rythme des privatisations traîne le pas en Algérie depuis plus de quinze ans. En tant que député à l'APN, j'ai toujours revendiqué plus de crédibilité et transparence dans ce dossier. Je le dis haut et fort, les entreprises qui ne peuvent pas s'acquitter de leurs dettes et des salaires de leurs employés doivent être privatisées. Garder sous perfusion ces entreprises relève de l'aberrance économique. Mais je constate qu'il y a un manque de courage dans la décision. Un manque de transparence dans la gestion du dossier. 1 200 entreprises sont éligibles à la privatisation, elles ont été affichées sur un site Internet et puis... rien. Aucune suite. Qui sont les acquéreurs? A quel prix? Plus encore, je connais des exemples de soumissionnaires qui ne savent même pas où se renseigner. Si vous aviez un appel à lancer en tant que député au peuple algérien, que lui diriez-vous? En ma qualité d'élu, j'appelle le peuple algérien à rééditer l'exploit du 8 avril 2004 et à se rendre en masse aux urnes le 29 septembre courant pour démontrer que nous sommes un peuple sain qui veut la paix et toute la paix. Par cet acte, il effacera les images imprimées par la décennie noire. Par cet acte, le peuple jettera les jalons d'un décollage réel vers le progrès et la croissance que la génération future poursuivra. Une génération qui nous évoquera avec gloire parce que nous avons semé la culture de la paix, comme nous, on évoque aujourd'hui la génération de novembre qui s'est sacrifiée pour que nous soyons libres et indépendants. J'appelle par ailleurs tous les jeunes qui ont été fourvoyés à un moment donné par un discours haineux, à regagner le droit chemin. Le projet du président est une occasion pour eux de rejoindre leurs familles, leurs enfants et leurs maisons. La société est prête à les accueillir pour cohabiter et construire l'Algérie avec tous ses enfants.