L'autorité de transition au Mali a ouvertement lié la libération de 46 soldats ivoiriens détenus depuis deux mois à l'extradition de personnalités maliennes vivant en Côte d'Ivoire. Alors que les autorités insistaient jusqu'alors publiquement sur un traitement «judiciaire» du dossier par la justice malienne, le chef de la transition, le colonel Assimi Goïta, a parlé de nécessaire «contrepartie», confirmant des informations selon lesquelles l'extradition de personnalités maliennes faisait partie de la discussion sur le sort des soldats ivoiriens. Au «moment où la Côte d'Ivoire demande la libération de ses soldats, (elle) continue de servir d'asile politique pour certaines personnalités maliennes faisant l'objet de mandats d'arrêt internationaux émis par la justice», a dit Assimi Goïta lors d'une rencontre avec le ministre nigérian des Affaires étrangères Geoffrey Onyeama vendredi, selon un communiqué publié sur les réseaux sociaux. «Ces mêmes personnalités bénéficient de la protection de la Côte d'Ivoire pour déstabiliser le Mali. D'où la nécessité d'une solution durable à l'opposé d'une solution à sens unique qui consisterait à accéder à la demande ivoirienne sans contrepartie pour le Mali», a-t-il dit. Il s'agit, notamment de Karim Keïta, le fils de l'ancien président Ibrahim Boubacar Keïta renversé par les colonels en 2020, et de Tiéman Hubert Coulibaly, ministre de la Défense et des Affaires étrangères sous M. Keïta. Les relations entre le Mali et son voisin ivoirien se sont dégradées depuis que des colonels ont pris, après des mois de manifestations contre le président Ibrahim Boubacar Keita (IBK), en août 2020, la tête de ce pays confronté depuis 2012 à des attaques terroristes et plongé dans une profonde crise sécuritaire et politique. Elles se sont encore détériorées avec l'interpellation de 49 soldats ivoiriens à leur arrivée à Bamako le 10 juillet. Trois soldates ont récemment été libérées. Les 49 soldats devaient, selon Abidjan et l'ONU, participer à la sécurité du contingent allemand des Casques bleus au Mali. Bamako a présenté les Ivoiriens comme des mercenaires. Les dirigeants de la transition sont eux-mêmes accusés par un certain nombre de pays occidentaux de s'être assuré les services de mercenaires russes, accusations maintes fois démenties alors que Bamako souligne son droit à coopérer pleinement avec Moscou, de manière souveraine. Le nouveau Premier ministre malien par intérim, le colonel Abdoulaye Maïga, a assuré vendredi soir sur la télévision d'Etat que le dossier était «éminemment judiciaire». Mais il a lui aussi évoqué dans le même propos la situation de compatriotes visés par des mandats d'arrêts et vivant en Côte d'Ivoire, qui utilisent cette dernière «comme terrain en vue d'attaquer ou de perturber la transition», la période censée précéder et préparer le retour des civils au pouvoir à Bamako. L'affaire fait l'objet d'une médiation togolaise. La Présidence malienne écrit dans son communiqué que «le Nigeria souhaite jouer sa partition dans la libération du reste (des) soldats», et «estime qu'il est temps de trouver une solution définitive à cette crise».