Les dirigeants de l'organisation ouest-africaine vont tenter encore une fois de "démêler" la crise politique du pays, sans grand espoir de faire plier les colonels putschistes. Arriveront-ils à arracher quelques garanties quant à la remise du pouvoir aux civils à la fin de la transition, alors que le pays est exsangue ? La situation sécuritaire se complique davantage. Les dirigeants ouest-africains se sont réunis hier dans l'après-midi au Ghana pour un sommet extraordinaire consacré exclusivement au Mali, après le coup de force perpétré par les militaires qui a propulsé le colonel Assimi Goïta président de la transition du Mali. L'organisation ouest-africaine avait indiqué, dans un courrier, avoir invité le colonel Goïta –étant officiellement le nouveau président du Mali – à venir à Accra dès samedi pour des "consultations". La présidence malienne a confirmé qu'Assimi Goïta est bien parti samedi pour le Ghana et prendra part dimanche au sommet. Lundi soir, le président et le Premier ministre de la transition, Bah N'Daw et Moctar Ouane, ont été conduits sous la contrainte par des soldats au camp militaire de Kati, près de Bamako, dans un apparent coup de force après la formation du nouveau gouvernement. Ces événements sont survenus quelques heures seulement après l'annonce par la présidence de transition, dans un communiqué lu à la radio-télévision publique, d'un nouveau gouvernement intérimaire. Les deux dirigeants de la transition ont été ensuite libérés mais déchargés de leurs prérogatives. Vendredi, la Cour constitutionnelle a déclaré le colonel Assimi Goïta chef de l'Etat et président de la transition sur la base d'un arrêt qui stipule que le vice-président de la transition, le colonel Goïta, "exerce les fonctions, attributs et prérogatives de président de la transition pour conduire le processus de transition à son terme" et qu'il portera "le titre de président de la transition, chef de l'Etat". Il s'agit du deuxième coup de force opéré dans un pays sahélien, après celui du Tchad, où un Conseil militaire de transition (CMT) de 15 généraux a pris le pouvoir le 20 avril après la mort d'Idriss Déby Itno, avec à sa tête un des fils de l'ancien président. Cependant, des observateurs notent la différence de traitement entre la vigueur de la réaction aux événements maliens et l'indulgence montrée vis-à-vis du Tchad, Le Mali risque d'être sanctionné par la Cédéao, les Etats-Unis et la France, déjà engagée militairement au Sahel. Ils avaient corédigé avec l'Union africaine (UA) et d'autres pays un communiqué rejetant "par avance tout acte imposé par la contrainte, y compris des démissions forcées". Bamako a déjà fait l'objet de sanctions en 2020, après le premier coup de force du colonel Assimi Goïta et un groupe de colonels contre le président Ibrahim Boubacar Keïta suite à des mois de contestation populaire. La Cédéao avait suspendu le Mali de tous ses organes de décision, fermé les frontières de ses Etats membres et stoppé les échanges financiers et commerciaux avec le Mali, à l'exception des produits de première nécessité. L'armée avait dû, sous la pression internationale et de sanctions ouest-africaines, accepter la nomination d'un président et d'un Premier ministre civil. Elle s'était engagée à organiser des élections et rendre le pouvoir à des civils à l'issue d'une transition de 18 mois. Ces sanctions avaient été mal ressenties par une population éprouvée, dans un pays exsangue. R. I./APS