Très impliquée diplomatiquement pour une sortie de crise au Niger avec lequel elle partage près de 1000 kilomètres de frontières, l'Algérie a présenté, hier, le contenu de son initiative. Celle-ci, d'essence politique, vient en opposition à l'intervention armée prônée par d'autres parties et dont le spectre plane toujours. Et dont les conséquences seront désastreuses au Niger, mais aussi à ses pays voisins comme l'Algérie, et à l'ensemble des pays du Sahel. C'est pour éviter ce scénario chaotique que l'Algérie tient à la solution politique, a affirmé, hier, le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf. Ce dernier, qui a animé une conférence de presse largement couverte par la presse nationale et étrangère, a décliné les grands axes de l'initiative algérienne. Celle qu'il est allé défendre, notamment dans les pays de l'Afrique de l'Ouest, en qualité d'envoyé spécial du président Tebboune. C'est, d'ailleurs, au bout de sa dernière tournée dans trois capitales de la région-en sus de ses échanges avec d'autres responsable- que Attaf a expliqué ce que dit l'offre de sortie de crise de l'Algérie. Une offre qui repose, en plus de l'attachement doctrinaire de l'Algérie à la paix, sur ce qui a été accompli depuis un mois. C'est- à- dire depuis le coup d'Etat qui a renversé le président nigérien Mohammed Bazoum. Et qui repose aussi sur les échanges qu' a eus le chef de l'Etat avec des voix qui comptent à l'image du représentant du président du Nigeria, le pays qui assure la présidence de la Cédéao, cet acteur essentiel dans ce qui se passe au Niger. Véritable offre de paix pour un Niger à la croisée des chemins, la médiation algérienne est construite autour de six principes. Le premier est la consolidation du principe de l'illégalité des changements anticonstitutionnels. Le deuxième est de fixer un délai de six mois pour parvenir à une solution politique garantissant le retour au système constitutionnel et démocratique au Niger à travers la reprise de l'action politique dans le cadre de l'Etat de droit. Le troisième axe de la médiation algérienne est celui des arrangements politiques de sortie de crise. Un point qui évoque la nécessaire participation et l'approbation de toutes les parties au Niger sans exclusion. Avec aussi la condition que la durée de ces arrangements n'excède pas six mois, et qu'ils soient sous la supervision d'une autorité civile exercée par une figure consensuelle et acceptée par toutes les couches de la classe politique au Niger pour déboucher sur le rétablissement de l'ordre constitutionnel dans le pays. Le quatrième axe de cette médiation concerne les garanties pour assurer la durabilité de la solution politique et son acceptation par tous les acteurs de la crise et du processus de son règlement. Le cinquième axe énonce l'approche participative de la médiation. Cette dernière se fera dans trois directions. En interne, avec toutes les parties concernées et actives au Niger. Au niveau régional, avec les pays du voisinage du Niger et les Etats membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, notamment le Nigeria en tant que président actuel du groupe. Et au niveau international, avec des pays prêts à soutenir les efforts visant à trouver une sortie pacifique à la crise. Le sixième et dernier axe est «l'organisation d'une conférence internationale sur le développement au Sahel». «L'Algérie s'efforcera d'organiser une conférence internationale sur le développement au Sahel dans le but d'encourager l'approche développement et de mobiliser les fonds nécessaires à la mise en oeuvre des programmes de développement dans cette région qui a cruellement besoin d'infrastructures sociales et économiques, pour assurer la stabilité et la sécurité de manière durable», a expliqué Ahmed Attaf. Ce dernier a, d'ailleurs, mis en garde contre l'option armée. «Montrez-moi une intervention armée qui n'a pas tourné au chaos dans notre entourage», a-t-il dit. Il a cité, à ce propos, l'Irak, la Syrie, la Libye. Une raison pour M. Attaf de rappeler que l'initiative de Tebboune vise davantage à souligner que «la solution politique demeure toujours possible». Et de soutenir que «la solution politique, c'est maintenant». En relevant que l'initiative n'est pas orpheline. La raison: des acteurs africains et autres sont prêts à accompagner l'initiative de l'Algérie, a affirmé M. Attaf. Interrogé sur la demande française de survoler le territoire algérien en perspective d'une attaque au Niger, le ministre a répondu de manière subtile. «Comment voulez-vous que nous autorisons le survol de notre espace alors que nous sommes opposés à l'intervention militaire?», s'est-il interrogé. «La Tunisie ne normalisera pas avec Israël» Interrogé sur les supposées intentions des pays du Maghreb de normaliser leurs relations diplomatiques avec Israël, le chef de la diplomatie a nié la disponibilité de la Tunisie pour un tel scénario. L'Algérie a reçu, il y a deux semaines, le ministre tunisien des Affaires étrangères et l'un des messages qu'il nous a fait parvenir est celui de l'inexistence d'aucune intention tunisienne de normaliser avec l'entité sioniste. M. Attaf a indiqué que le gouvernement tunisien travaille actuellement sur l'élaboration d'une loi qui criminalisera la normalisation avec Israël. Accord d'Alger sur le Mali Il faut «une alternative» à la Minusma Le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, Ahmed Attaf, a affirmé hier que l'Algérie, avec l'appui des Nations unies, était en train de réfléchir à une «alternative» à la décision de retrait de la mission de l'ONU au Mali, afin de relancer la mise en oeuvre de l'Accord de paix et de réconciliation, issu du processus d'Alger. Maintenant que la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) est en cours de retrait du pays, «nous sommes en train de réfléchir à une alternative car elle servait, notamment de support et d'appui à la mise en oeuvre de l'accord d'Alger. «Il faudra trouver une alternative à la Minusma et nous y réfléchissons avec le soutien des Nations unies», a plaidé M. Attaf, soulignant que l'ONU partageait la «même réflexion, celle de trouver une alternative». Le ministre a rappelé le rôle important de cette mission onusienne qui était financée, dit-il, «à hauteur de 1,2 milliard de dollars et comptait quelque 19.000 hommes dont 11.000 militaires et 8.000 personnels civils déployés au nord du Mali». Gel de l'action maghrébine «L'Algérie n'a aucune responsabilité» Ahmed Attaf, a affirmé, hier, que l'Algérie n'avait aucune responsabilité dans le gel de l'action maghrébine, intervenu suite à une demande formulée par le Premier ministre, ministre des Affaires étrangères marocain de l'époque, Abdellatif Filali. «Le gel de l'action maghrébine est intervenu durant mon premier mandat de ministre des Affaires étrangères, en 1995, suite à une demande écrite du Premier ministre, ministre des Affaires étrangères marocain, M. Filali», a précisé M. Attaf. «L'Algérie n'a aucune responsabilité dans le gel de l'action maghrébine», a-t-il insisté. «Les conditions n'ont pas changé. Elles se sont même détériorées. Aussi, il est difficile aujourd'hui de parler de la relance de l'Union du Maghreb arabe», a soutenu le ministre.