Les autorités tunisiennes semblent avoir été très bien inspirées en optant pour le tourisme populaire comme moteur de développement économique. Et pour preuve, l'expérience a très bien pris, pas seulement au plan strictement économique, mais également au niveau de la société elle-même qui a «touché du doigt» la réalité de la vie de la classe moyenne européenne. C'est en effet, Monsieur Tout-le monde qui vient passer ses vacances dans ce pays. L'un des premiers résultats de cette politique tient dans le fait que la jeunesse tunisienne n'est pas «impressionnée» par le mode de vie occidental et développe un discours réaliste sur les questions socio-économiques. Tunis est une capitale vivante, dynamique qui vit au rythme de son époque. Sa proximité avec l'Europe lui procure une certaine assurance et donne à la société une vision réaliste de l'Occident. «Nous côtoyons beaucoup d'Européens à longueur d'année. Ils ne sont plus un mystère pour nous», confie Nadia, universitaire, qui estime que cette proximité a permis aux Tunisiens de constater que la vie n'est pas si rose que cela en Occident. Un état de fait qui «donne de l'assurance à la société, au sens où les citoyens finissent par se dire que l'on peut réussir chez-soi». En fait, relève notre interlocutrice, «le témoignage occidental quant à la qualité de vie intéressante du Tunisien, constitue l'un des éléments qui concourent à la dynamique socioéconomique constatée en Tunisie». En d'autres termes, plus qu'activité génératrice d'emplois et de devises, le tourisme remplit une sorte de fonction sociale au sein de larges couches de la population tunisienne. Et pour cause, les jeunes de ce pays n'ont pas une vision idéalisée de l'Europe que véhiculent certaines chaînes de télévision française notamment. Les autorités tunisiennes semblent avoir été très bien inspirées en optant pour le tourisme populaire comme moteur de développement économique. Et pour preuve, l'expérience a très bien pris, pas seulement au plan strictement économique, mais également au niveau de la société elle-même qui a «touché du doigt» la réalité de la vie de la classe moyenne européenne. C'est en effet, Monsieur Tout-le monde qui vient passer ses vacances dans ce pays. L'un des premiers résultats de cette politique tient dans le fait que la jeunesse tunisienne n'est pas «impressionnée» par le mode de vie occidental et développe un discours réaliste sur les questions socio-économiques. Aussi, les Tunisiens ont une approche pragmatique par rapport aux difficultés économiques que traverse leur pays et arrivent même à inscrire cela dans le cadre d'une dynamique mondiale. L'exemple du secteur du textile qui, avec l'entrée en force de la Chine et qui a fait mal à beaucoup de pays, en est l'une des illustrations. «Le tapage médiatique fait autour de la question a sensibilisé tout le monde. L'on craignait de perdre des milliers d'emplois, mais la sérénité a prévalu et le textile tunisien a réussi à s'imposer malgré tout», souligne un entrepreneur pour qui cet «exploit» est à mettre sur le compte d'une maturité de l'économie tunisienne. «La concurrence internationale ne nous fait pas peur», retient notre homme d'affaires. Une assurance que les observateurs imputent, justement, à cette proximité humaine générée par le développement du tourisme. Cette «maturité économique» est justement mise à profit par les Tunisiens pour appréhender le fait politique dans leur pays. Ils sont majoritaires à considérer que l'Islam doit être éloigné de la politique et le font même savoir par leur comportement quotidien. L'écrasante majorité des Tunisiens partage le souci de l'Etat de ne pas laisser une brèche à l'islamisme. Mais cette bonne majorité ne sous-estime pas la force de «persuasion» des tenants de l'archaïsme qui tentent d'embrigader les jeunes et plus précisément les jeunes filles. L'histoire du port du hidjab à Tunis est manifestement l'une des expressions du courant islamiste, actuellement interdit comme activité politique. A cette tentative d'embrigadement de la société, les Tunisiens répondent par l'art. Pièces théâtrales, films, expositions de peinture et autres manifestations culturelles portent, manifestement, l'empreinte de la modernité et constituent un rempart sérieux dans la lutte que mène la société contre l'hydre intégriste. «La lutte» n'est pas un vain mot et le combat est réellement au quotidien. Vous ne verrez aucun Tunisien vous balancer des propos à forts relents militants, mais il est un fait, la «maturité» est bel et bien acquise sur cette question et la «résistance» est de fait. On la voit dans les rues de Tunis, chez ces étudiantes et étudiants qui vous parlent de leur pays comme d'une locomotive de la modernité pour l'Afrique. On la voit même chez le jeune travailleur qui refuse que l'on mette la politique et l'Islam «dans le même panier», pour reprendre l'expression d'un garçon d'étage qui exerce dans l'hôtellerie. La résistance c'est aussi toutes ces familles qui prennent plaisir à sortir dans les rues de la capitale jusqu'à une heure tardive. Tous ces jeunes qui vivent pleinement leur vie et «décompressent après une journée de travail». Une image inconcevable à Alger. Une qualité de vie que les Tunisiens doivent d'abord à leur travail. La rigueur largement constatée dans la gestion des établissements hôteliers, renseigne sur le niveau de maîtrise de la profession et donne un aperçu sur le formidable potentiel de développement intrinsèque du tourisme en Tunisie. En effet, rien n'interdit à aucun Tunisien de faire pousser des établissements touristiques, là où il le souhaite. On en a pour preuve le paradisiaque site de Hammamet sud. La beauté des lieux a très peu à voir avec des atouts naturels. C'est plutôt l'imagination de l'homme, du Tunisien qui a fait d'une zone sans attrait particulier, un haut lieu du tourisme international qui a un succès certain. Et pour cause, Hammamet sud n'avait aucune valeur marchande au départ, mais son aménagement en zone touristique a permis à la Tunisie de conforter sa place parmi les nations attractives et procuré du travail à des milliers de jeunes. C'est surtout cela la Tunisie: une grande volonté d'entreprendre, un optimisme inné et une confiance aveugle en l'avenir. Un autre site «sorti presque du néant» est Ghamart. Dédiés au tourisme de luxe, les palaces de Ghamart sont autant de «bijoux» qui font la fierté des Tunisiens. Dans toute la région, rien, absolument rien, n'a été laissé au hasard. L'on sent une grande symbiose entre les pouvoirs publics, la société et les professionnels du tourisme. Ce petit pays d'Afrique a donc réussi une chose merveilleuse: créer la richesse. Et en termes de richesse, la Tunisie ne fait pas qu'en créer. Elle en a aussi. Ce n'est pas ce qu'on qualifie de «ressources non renouvelables». Et pour cause, elle la puise dans son histoire. Le pays abrite, en effet, l'une des premières villes de l'ère musulmane. Kairouan, ville plusieurs fois centenaire et qui est la gardienne des traditions et la preuve de l'ingéniosité et la tolérance de la civilisation islamique. La Grande Mosquée de cette ville est un mélange d'influences romaine, byzantine et arabe. Un exemple de cohabitation harmonieuse que les Tunisiens du XXIe siècle ont élevé au rang d'art, au point où l'on a l'impression, en parlant à un Tunisien, que le «conflit des civilisations» a trouvé sa solution en cette terre où les trois religions monothéistes se pratquent avec un naturel surprenant, tant pour les Occidentaux pour que pour les voisins immédiats de la Tunisie. Kairouan, «c'est presque la Mecque de la tolérance», affirme, modeste, un responsable local de l'Office tunisien du tourisme. Les Tunisiens sont fiers d'être dans un pays touristique, mais n'oublient jamais de vous dire que la force de leur économie est dans la diversification des activités. Certains jeunes ne savent pas trop ce que cela veut dire concrètement, mais l'on sent une certaine confiance dans les décisions prises en haut lieu. Aussi, la réduction du chômage qui tourne autour de 14% de la population active est considérée comme une priorité pour tout le monde. Le problème inquiète, d'autant que le phénomène touche les jeunes diplômés. Mais face à cela, la société développe son propre «mécanisme de survie» et agit dans le sens de la résorbtion du chômage en multipliant les initiatives économiques novatrices, aidée en cela par des mesures de facilitations fiscales décidées par le gouvernement. La symbiose évoquée plus haut pour le tourisme, vaut aussi pour les autres secteurs d'activité. Le discours des uns et des autres est limpide. Tout le monde s'accorde sur le fait que la lutte contre le chômage prendra du temps, personne n'accuse l'autre d'imposture et le plan mis en branle fonctionne et portera ses premiers fruits dans quelques années. Cela est une conviction chez les Tunisiens. Ils partent du principe qu' à tout problème, il existe une solution. Ils ne manifestent aucun empressement particulier dans la gestion de leurs difficultés. Aussi, la campagne de presse française sur la situation des droits de l'homme dans leur pays, ne les affectent pas particulièrement. Ils ont conscience de leur déficit en matière de démocratie, mais refusent de tenter «inutilement» le diable. Ils en restent à la mission principale de l'Etat, celle de garantir un bien-être à la société. Ils savent que la démocratisation du régime impose du temps. Et ils donnent la nette impression de vouloir leur démocratie, pas celle des médias français. «Il faut du temps et la Tunisie est éternelle», nous confie un vieil homme qui, s'appuyant sur l'expérience d'ouverture démocratique de l'Algérie, soutient: «Je préfère attendre encore 20 ou 30 ans plutôt que de voir 100.000 des miens mourir en 10 ans seulement». L'allusion au danger islamiste est on ne peut plus claire. «La Tunisie s'ouvrira à un pluralisme véritable qui suscite un débat socio-économique et non pas une polémique théologique», souligne un universitaire qui affiche clairement ses positions «d'opposant au pouvoir». En d'autres termes, les Tunisiens construisent leur démocratie comme ils ont construit leur économie, avec méthode et précision. En attendant, les jeunes et moins jeunes d'aujourd'hui profitent des sacrifices de leurs parents et font eux-mêmes des sacrifices pour les générations montantes.