L'enfant d'El Harrach est sorti de sa réserve.Errant, ici, au bled et ailleurs. Fuyant le terrorisme d'abord et l'indifférence ensuite, il échoue là d'où il ne peut se soustraire. Chez lui, du fond de sa solitude, seule l'écriture lui apporte son semblant de survie. Il est connu sur la place d'Alger comme un parolier de talent et un compositeur appliqué. Il parle de son métier comme on parle d'une passion, «on naît artiste» nous dit-il. Dans la salle de rédaction où il est venu nous rendre visite, il affichait un air de bonheur secret, ce n'est pas seulement la réussite aux études de son unique fille, mais c'est surtout ce texte, ce poème qu'il vient d'achever. «Je l'ai écrit d'un coup, comme ça, l'inspiration m'est venue comme par enchantement», nous confie-t-il avec de l'émotion dans la voix. Le texte manuscrit a pour titre «Ton printemps est revenu ô Algérie», écrit dans un bel arabe algérien qui nous manque tant. «C'est grâce à la bonne chanson que nous apprenons la magie et la force d'une langue», soutient-il. Dans ce poème, c'est tout l'amour du pays qui explose en mots et en vers. La souffrance de l'artiste a, en fin de compte, enfanté la grâce et la beauté. Le refrain sonne comme un engagement et un gage d'amour: «ana weldek bik nefkher», «je suis ton fils et de toi je suis fier». Dans ce texte, cette chanson potentielle, le langage imagé tient une place prépondérante. L'auteur emploie copieusement paraboles et euphémismes dans un espace restreint d'expression, et ce au-delà de la rime solidement tenue et esthétiquement rythmée. C'est ainsi que l'Algérie, terre des richesses et des hommes fiers, prend dans l'imaginaire du poète, la place du grand amour. Terre de la grande révolution et de l'Islam tolérant, dont le nom est rayonnant dans la place des nations. C'est un amour fou, fort et passionné, signé de la verve d'un amoureux des mots et de la musique.