Les activités culturelles du mois de Ramadhan se sont vu étoffer, lundi dernier, par l'arrivée heureuse des rencontres de la libraire Errachidia, initiées par les éditions Anep. C'est Abdelkrim Tazarout, journaliste écrivain et désormais biographe qui a eu l'insigne honneur d'entamer ces «sahrates ramadhanseques» dans ce haut lieu de culture et de bonnes feuilles. Un espace qui s'y prête allègrement. Guerrouabi ou le triomphe du chaâbi est le livre qu'il a signé et qui retrace la vie et le parcours atypique qu'a eu cet artiste qui révolutionna le chaâbi. Un parcours pas facile, dira le journaliste Tazarout, tout en regrettant qu'il n'y ait pas d'autre livres de ce genre dans nos étals et dédiés à nos valeureux artistes dont Seloua, Warda El Djazaïria, Nouara, Hnifa, notamment. «En Algérie, chanter n'était pas admis à l ‘époque, que dire alors des femmes!» Abdelkrim Tazarout insistera sur le détail qui fait la particularité de l'ensemble d'une vie et s'évertuera ainsi à nous narrer des anecdotes rappelant à notre mémoire quel était le vrai visage de El Hachemi Guerrouabi. Chanson incontournable dans la carrière de Guerrouabi, le journaliste fera remarquer que le morceau El Harraz est devenu un mythe dépassant les frontières. Revenant à ses débuts, M.Tazarout dira que le jeune Guerrouabi se distinguera tôt des autres chanteurs de chaâbi qui ne faisaient qu'imiter de façon ridicule El Anka. Le modèle à cette époque c'était lui. Il fallait évoluer à la Casbah. Qu'à cela ne tienne, le jeune Guerrouabi qui était orphelin et chantait à l'école, débarque de Belcourt à la Casbah et adopte comme modèle Hadj Mrizek à la réputation de dandy. Alors que les autres jouent au mandole, lui ce sera la guitare! Accompagnant, un jour, un ami à l'opéra il fait connaissance avec Mahieddine Bachtarzi qui, le prenant en sympathie, le programma en première partie d'un concert. La sauce prend immédiatement, le soir même. Il obtient un tel succès que le régisseur lui demande de rester encore sur scène. Il n'avait que 17 ans! Sitôt El Hachemi Guerrouabi adoptera un look de jeune premier, dépoussiérera le chaâbi et gagne un nouvel auditoire, les femmes! Grâce à l'avènement de la télé, El Hachemi Guerrouabi, en excellent interprète et comédien qu'il est, exploite ce filon qui le mènera tout droit vers le succès populaire. Fort d'un charisme indéniable, El Hachemi Guerrouabi rajeunira incontestablement l'image du chaâbi. Les textes de chansons signés Mahboub Bati marcheront du tonnerre chez Guerrouabi, contrairement à d'autres. «Il dominait le spectacle et maîtrisait la poésie», affirme Abdelkrim Tazarout qui nous relèvera les rencontres décisives qui ont marqué la vie de Guerrouabi. Evoquant son départ en France dans les années 1990, Abdelkrim Tazarout est persuadé que l'exil l'a tué. «Heureusement qu'il restait les mariages.» Sans passer en revue toute sa vie, chose impossible tant sa carrière a été riche et son répertoire volumineux, Abdelkrim Tazarout soulignera la nécessite de préserver la mémoire de nos artistes qui constituent un véritable vivier patrimonial pour nos archives, hélas inexistantes en Algérie. Il regrettera aussi l'absence d'un orchestre à la télé tout en relevant la piètre qualité des prestations artistiques de nos chanteurs qu'on voit dans certaines émissions télé. «C'était prévu avec son fils de monter une fondation à son nom, mais comme c'était trop compliqué nous n'avons pas pu concrétiser le projet.» Quoi qu'il en soit les mémoires ne pourront jamais oublier des morceaux célèbres tels que El Ryam, Sbhan Houa Khalek lekoune, El Barah kan fi omri aâchrine ou encore Harraz Aouicha conférant ainsi au chaâbi toutes ses lettres de noblesse. El Hachemi Guerrouabi a donné plus de 50 ans de sa vie à ce genre musical en suivant un rythme de vie pas toujours rose, et en animant quasiment chaque soir des qaâdate qui se prolongeaient souvent jusqu'à l'aube. Son public ne le remerciera jamais assez pour ça... El-Hachemi Guerrouabi s'est éteint dans la nuit du 17 juillet 2006 des suites d'une attaque cardiaque qui l'a plongé dans un coma profond. Hospitalisé quelques jours auparavant pour insuffisance respiratoire, il n'a pu sortir de son coma et son état de santé s'est rapidement détérioré. On le savait très affecté par l'opération subie pour un diabète, en février 2005 à l'hôpital Saint-Louis à Paris, opération qui lui avait valu d'être amputé d'une jambe. Son âme plane encore. Les monuments ne meurent jamais!