“Au sommet de la vie, je descends vers la tombe, je veux, avant de mourir, remonter vers mes belles années, expliquer mon inexplicable cœur”, disait Chateaubriand. C'est exactement ce qu'a tenté de faire Abdelkrim Tazaroute avec un beau livre qui rend hommage à Guerouabi. Il est difficile de parler de l'autre sans donner une part de soi. Abdelkrim Tazaroute a essayé, dans son livre, de revenir sur le parcours d'El Hachemi Guerouabi, tel que lui-même l'avait connu, et comme il le garde en mémoire. Abdelkrim Tazaroute est d'abord un fan d'El Hachemi Guerouabi. Fan de sa musique et du mythe qu'il représentait. Fan de cette image de jeune premier à la voix enchanteresse et au mandole particulier. Fan aussi des textes qu'il a chantés, et qui se confondent souvent avec son propre parcours. De la télévision à la musique, en passant par l'exil et la maladie, la vie de cheikh El Hachemi Guerouabi n'a pas été un long fleuve tranquille. Elle a été pleine de rebondissements, de succès et de renoncement. Une vie qui pourrait en inspirer plus d'un, notamment nos cinéastes qui tardent à se consacrer et à s'intéresser à des sommités comme Guerouabi, tout comme El Badji, Mahboub Bati, El Hadj M'hamed El Anka, El Hadj M'rizek et d'autres encore qui ne tarderont pas à sombrer dans l'océan de l'oubli. Mais là n'est pas le propos. Pas encore du moins. Avant-hier après-midi, à l'espace Noun, le thème du jour était le beau livre, Guerouabi ou le triomphe du chaâbi, paru aux éditions Anep et réalisé par le journaliste Abdelkrim Tazaroute. Préfacé par la ministre de la Culture, le livre, truffé de photographies, propose de lever certaines zones d'ombre sur le parcours, avec le recul exemplaire de cheikh El Hachemi Guerouabi. Abdelkrim Tazaroute a d'abord évoqué le contexte des années 1960/70, où chanter en arabe était un peu ringard. Mais c'est exactement ce même contexte qui a permis la naissance de jeunes chanteurs comme Guerouabi qui chantaient en arabe et qui ont réconcilié les jeunes avec cette langue. Outre cette dimension historique très importante, l'auteur a raconté sa rencontre avec Guerouabi pour la première fois. Il retient jusqu'à aujourd'hui sa classe, sa réserve et son charisme. “Guerouabi était un grand solitaire”, a-t-il dit. Bien que perplexe, Guerouabi accepte de s'entretenir avec le jeune journaliste qu'était Abdelkrim Tazaroute. La parution de l'interview est un grand succès, car “les gens faisaient la queue pour acheter le journal”. Un jour, deux journalistes du quotidien Le Matin rencontrent Guerouabi en France et l'interviewent. Ils lui proposent d'écrire une biographie sur lui, mais il leur dit qu'il a déjà donné son accord à un journaliste algérien. “Il ne me l'a jamais dit que j'avais son accord”, déclare M. Tazaroute. Aux côtés d'Abdelkrim Tazaroute, il y avait l'artiste Réda Doumaz, qui a également apporté quelques éclairages sur l'illustre Guerouabi, tout en rappelant que l'émergence de ce dernier ou encore celle de Boudjemaâ El Ankis est surtout due à l'apport considérable de Mahboub Bati, instigateur des grands succès de Guerouabi. Toutefois, la question du milieu hermétique et hiérarchisé dans lequel baigne la chanson chaâbi a été soulevée. Il est vrai que cette musique n'arrive pas à aller vers la modernité, même si certains se revendiquent d'un nouveau courant – pas si nouveau que cela puisqu'il existe depuis une dizaine d'années – qu'est le “néo-chaâbi”. Moderne tout en restant authentique et fidèle aux valeurs de la musique, El Hachemi Guerouabi et ses condisciples l'ont très bien réussi, sans avoir eu recours à des appellations saugrenues. Mais, contrairement à d'autres, la génération Guerouabi n'a pas eu besoin de parler de sa musique, puisqu'elle était limpide et parlait d'elle-même. Après des interventions très intéressantes sur le chant chaâbi, place à la musique pour détendre l'atmosphère. En effet, Abdelkrim Tazaroute a ramené sa guitare et Réda Doumaz son mandole. Effet machine à remonter le temps !