Aujourd'hui c'est sans complexe qu'ils expriment toute la dimension sociale, économique et politique de cet événement enraciné depuis des siècles au plus profond de la société kabyle en particulier et amazighe en général. Jour de l'An berbère, il coïncide avec le 12 janvier du calendrier grégorien qui correspond en 2011, à l'an 2961 du calendrier berbère. Il a la particularité d'être fêté autant par les populations berbérophones qu'arabophones. Au même titre que certaines fêtes religieuses officielles (Mouloud, Aïd, Achoura...) à la seule différence que celles-ci sont décrétées journées fériées. Yennayer s'est taillé contre vents et marées, une place prépondérante au sein de la société algérienne moderne pour s'imposer comme élément identitaire et fédérateur incontournable sans pourtant bénéficier d'une reconnaissance officielle pour affirmer sans aucun doute son indépendance. Une caractéristique de tout ce qui symbolise l'esprit de liberté et de tolérance. Tout ce qui ne rentre pas dans le moule de la culture institutionnelle que tendent à perpétuer les redoutables initiateurs de la pensée unique. Les détenteurs de ce pouvoir de décision fêtent, pourtant, eux aussi, cet événement. Une contradiction qui est sans doute appelée à être rectifiée. Yennayer est tout le contraire de tout cela. Il traduit et rappelle des faits et gestes ancestraux à travers lesquels s'est forgée et a pris corps la nation algérienne dont la principale caractéristique demeure de hauts faits d'armes. L'an zéro du calendrier berbère remonte à des événements marquants qui datent de l'époque de l'Egypte ancienne. SheShonq 1er, prince de la tribu berbère des Mechaouech, qui a conquis le pays des Pharaons, est monté sur le trône pour y régner pendant 21 ans, de -945 à -924. Il est le fondateur de la 22e dynastie égyptienne. Il réunifia l'Egypte en l'an 950 avant J.-C puis envahit la Palestine pour s'emparer à Jérusalem, de l'or et des trésors du temple de Salomon. Un événement parmi les plus anciens attestés par les premiers textes bibliques. Yennayer prend cependant toute sa dimension dans la relation qui l'unit au travail de la terre, le cycle des saisons...qui sont célébrés par des rites et coutumes qui témoignent d'une communion étroite entre les éléments naturels, le monde des morts et des vivants, que l'on qualifierait aujourd'hui de fusionnelle. La spécificité de Yennayer, à l'instar de «sebeiba» (fête célébrée chez les Touareg du Tassili N'Ajjers à Djanet) ou d'autres manifestations propres aux sociétés africaines traditionnelles, réside surtout dans sa manière d'investir l'espace de la vie quotidienne et de sa structuration du temps, marquée par une genèse: l'opposition nature-culture. Le génie berbère mais aussi les contraintes liées à leur environnement (rudesse du climat, terres ingrates difficilement cultivables...) l'ont élevé à un rang de mode d'organisation sociale strict et codifié, marqué par des croyances païennes ou animistes qui réglementaient la vie des groupes ou des clans. Aujourd'hui absorbées par la religion musulmane, elles attestent d'un Islam tolérant qui particularise la majorité de la population algérienne et la région du Maghreb. D'Alger à Tamanrasset, de Annaba à Oran, d'est en ouest et du sud au nord, Yennayer sera célébré par l'ensemble de la population algérienne sans complexe et sans tabou. Chaque région, sans distinction d'appartenance ethnique et dans toute sa diversité linguistique, exprimera toute la dimension sociale économique et politique de cet événement enraciné depuis des siècles au plus profond de la société kabyle en particulier et amazighe en général.