Il fallait que les forces conservatrices du Parlement fussent drôlement convaincues de la pertinence démocratique de la révision constitutionnelle qu'elles doivent commettre aujourd'hui pour se démener et organiser des conférences improvisées et précipitées à l'annonce d'une simple conférence de presse du RCD ! Les députés du MSP, du RND et du FLN et ceux de “l'opposition” et des “indépendants”, qui voteront contre l'alternance au pouvoir, savent bien qu'ils ne réussiront pas l'exploit de se persuader et de persuader la population que passer d'un nombre limité de mandats à la réélection illimitée constituerait un progrès politique pour le pays. Quand, aujourd'hui, la quasi-totalité des sénateurs et des députés lèveront haut la main, ce sera avec détermination mais sans conviction. Diffuser des “débats” à sens unique, décocher des communiqués à tous les vents et organiser des “conférences de presse” pour noyer les rares objections constituent des signes du scepticisme des concepteurs eux-mêmes de cette violation d'un acquis démocratique. À vouloir reproduire l'argumentaire officiel de la révision constitutionnelle, les défenseurs de l'amendement de Bouteflika semblent débiter un catéchisme qu'ils n'ont eux-mêmes pas assimilé. Il n'est pas aisé de donner des fondements doctrinaires à une régression constitutionnelle dont la finalité pratique et immédiate est évidente : la conservation de la réalité du régime dans ses équilibres politique et humain actuels. Pas plus que les constitutions qui l'ont précédée, la Constitution de 1996 n'a pas, jusqu'ici, empêché que le pouvoir soit composé avant d'être avalisé par des élections totalement maîtrisées. On n'a donc pas jugé utile de la “préparer” pour les présidentielles de1999 ou de 2004, ni pour les élections législatives ou locales survenues au cours des deux mandats. C'est donc bien l'obstacle de la limitation du nombre de mandats qui est à l'origine de la révision d'aujourd'hui ! Certains des députés et sénateurs et leurs leaders politiques qui étaient en scène en 1996 soutenaient alors, avec raison, que le principe d'alternance au pouvoir constituait une conquête historique pour la démocratie algérienne ; ils défendent aujourd'hui avec acharnement la dilapidation de cette avancée acquise au prix de lourds sacrifices. Pour ce faire, ils consentent à fermer les yeux sur l'immense recul, un de plus ces dix dernières années, auquel ils contribuent à imposer au pays. Malgré le détournement autoritaire du multipartisme, l'Algérie avait fait, avec la constitutionnalisation du principe d'alternance en 1996, un grand bond en avant sur le thème de la démocratie, un bond qui l'a portée loin devant des républiques d'Afrique du Nord encore plus caricaturales. Et ce sont ses institutions “démocratiques” qui la remettent, à partir d'aujourd'hui, au rang des modèles tunisien et égyptien, formellement conçus pour cultiver la présidence à vie et organiser la succession de dauphins. Nul ne sait le temps que mettra le pays à se remettre de cette ablation constitutionnelle du droit au changement, mais l'Histoire retiendra que c'est un régime qui a cumulé les échecs de toute nature qui nous prive de l'ultime rempart contre l'arbitraire pour pouvoir continuer à sévir. M. H. [email protected]