En moins de deux mois, ce parti a fait un revirement inattendu. Quelque chose a donc changé. Le porte-parole du Rassemblement national démocratique (RND), Miloud Chorfi, a lâché le morceau. Parlant de la révision constitutionnelle, il a affirmé jeudi à partir de Tlemcen, que «nous ne sommes pas contre les modifications que peut introduire le premier magistrat du pays». Qui a dit que le RND est contre ce projet surtout «s'il est décidé par le président de la République?». Pourtant, il y a deux mois, l'avis de Miloud Chorfi était tout autre sur cette même question. «La révision constitutionnelle ne figure pas parmi les priorités du RND», a-t-il soutenu le 7 avril dernier à Tissemsilt où il a animé une conférence devant les cadres de son parti et les représentants de l'Alliance présidentielle. Soixante jours ont été donc suffisants pour émousser la détermination du parti de Ouyahia, franchement réfractaire à l'idée d'une révision constitutionnelle. S'il garde encore «quelques poches de résistance», en soulignant notamment, toujours par la voie de son porte-parole, qu'il «n'est pas convaincu que cette question, qui concerne le devenir de la nation, dépende exclusivement d'un parti», c'est juste pour mettre la forme. Pour que le RND adhère subitement à l'idée de la révision de la loi fondamentale c'est que quelque chose a donc finalement changé. Un équilibre a été soit rompu soit rétabli, c'est selon. Soit le FLN, qui mène actuellement le bal, a définitivement étalé son voile sur une classe politique qui a fini par admettre un comportement de Panurge. Soit c'est le RND qui reprend du poil de la bête ou alors, pour les «catastrophistes», c'est le parti de Ahmed Ouyhia qui se scinde en deux clans: ceux qui sont pour et ceux qui sont contre la révision de la Constitution. Pour la première hypothèse, celle selon laquelle c'est le FLN qui mène la barque, il faut attendre et observer le phénomène d'avalanche qui va suivre la déclaration du RND qui accepte la révision de la Constitution. Pour la seconde hypothèse soutenant que le RND est en train de se replacer, Ahmed Ouyahia a presque tout dit lors de la dernière réunion de ses cadres au siège du parti. «Je suis déjà venu, parti, puis revenu puis reparti. Je connais bien le chemin», a-t-il dit lors de son discours, faisant allusion à sa démission de la tête du gouvernement. Nombreux étaient les observateurs ayant parié que le RND et son chef allaient basculer dans l'opposition pour faire contrepoids à un FLN politiquement euphorique. «Ceux qui pensent que je vais verser dans l'opposition me connaissent mal», a-t-il dit soulignant au passage que «le FLN a le droit de réfléchir et d'émettre des propositions d'amendement. Mais sa proposition ne nous intéresse pas (... )». Les tenues chamarrées de l'opposition ne conviendront jamais à cet irréductible commis de l'Etat. Si le FLN veut garder son leadership, le RND, lui, tente de se replacer sur la scène politique après quelques semaines d'hibernation. Pour ce faire, tous les moyens sont bons. C'est ainsi qu'il se déclare favorable à une révision constitutionnelle, à la condition qu'elle ne soit pas l'oeuvre d'un seul parti, c'est-à-dire du FLN. Quand cette révision a été annoncée en public, le FLN a risqué un isolement au sein de l'Alliance présidentielle. Son forcing pour convaincre de l'amendement de la Constitution a été perçu comme une volonté de faire cavalier seul. Contre toute attente, c'est le RND qui s'est retrouvé seul, comme cela a été le cas pour la question de l'augmentation des salaires. Il fallait donc qu'il se remette au-devant de la scène, quitte à tout renégocier, surtout que l'échéance des législatives de 2007 approche à grands pas. Enfin, pour la dernière hypothèse, il serait hasardeux pour les différentes forces au sein du RND d'écarter du parti un homme de la stature de Ouyahia. Détesté par certains, aimé par d'autres, le chef du gouvernement déchu ne laisse pas indifférent. Mais il a commis la faute impardonnable, celle de vouloir faire de l'ombre au... FLN.