Ils sont jeunes, avec une moyenne d'âge d'à peine 17 ans, mais ils ont déjà l'allure de grands comédiens, se déplaçant sur scène aisément, avec brio même, comme sur une barque, des non… harragas. Après avoir occupé le haut de l'affiche dans les années 1990, puis une absence de six longues années, la troupe Igellilène (les pauvres), de la Maison de jeunes d'Iferhounène dans la wilaya de Tizi Ouzou, nous revient par la grande porte et sous un nouveau nom, celui du défunt Hamid Bentayeb, un regretté jeune animateur de cette troupe qui a vu le jour dans les montagnes de Ouaguenoun. La troupe, qui forme, sous la conduite de Houche Abderrahmane, de talentueux adolescents dans l'art dramatique, a remonté sur les planches la semaine dernière à la grande salle, archicomble, de la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, avec une nouvelle pièce traitant de l'actualité des jeunes algériens, à savoir Ulac l'harga ulac, (non à la harga). Pour certains, cet intitulé rappelle un slogan qui avait “trompé” énormément de jeunes et auquel personne ne croit plus aujourd'hui, pour d'autres, il est le miroir d'un dur quotidien d'une réalité sociale qui fait ravage dans les rangs de la jeunesse. De style katébien, la pièce Ulac l'harga ulac reflète amplement le théâtre de la rue, dira Houche Abderahmane, son président. Elle met surtout en exergue un groupe de jeunes harragas qui “reviennent” de la mort pour raconter leur histoire et dénigrer les conditions qui les ont poussés à quitter leur patrie. “La sensibilité du comédien ne passe pas inaperçue devant ces épreuves qui tourmentent notre jeunesse. L'avantage, c'est que ces jeunes artistes, par leur talent et leur jeunesse, incarnent parfaitement les personnages de ce tableau dramatique”, ajoute le même animateur, comédien de son état. Pour le directeur de la maison de jeunes, Mohand-Hadj-Mohand, le thème de la pièce est très important, cela nous permet de faire une campagne de sensibilisation contre les fléaux sociaux, tout en ouvrant un espace d'expression aux jeunes désirant se former dans le théâtre et démontrer leur talent, et pour cela nous avons mis tous les moyens du bord en vue de réussir notre travail. Malgré l'absence de moyens suffisants pour une vraie réussite, les comédiens de la troupe sont déterminés quant au succès de leur pièce, d'autant plus que les nombreux aspects de l'histoire restent des composants de leur propre saga. Ayant une durée d'une heure vingt minutes, la pièce est encadrée par 6 jeunes, dont une femme, suivie par un technicien et animée par 14 comédiens dont 5 filles. Elle se résume en deux tableaux, l'un montrant des jeunes garçons et des jeunes filles confrontés aux problèmes de la société en général. Les scènes, qui se déroulent dans un village kabyle se nommant “Virage”, relatent avec talent des problèmes de chômage et autres fléaux “virant” vers la tchipa, le favoritisme, le visa, le suicide…, le tout relaté sous un air drôle et dramatique à la fois. Le second tableau présente, sous le même air, marrant, l'aventure de harragas africains, à bord d'une chaloupe, qui ne fera pas le mile avant de… chavirer. Pour rappel, en 1995, la troupe Igellilène, aujourd'hui portant le nom de son ancien et regretté animateur, Hamid Bentayeb, avait remporté au Festival du théâtre amateur de Mostaganem, les trois premiers prix respectivement d'interprétation masculine et féminine et de la meilleure mise en scène, avec sa pièce dramatique Entel fettus yalid qejjir (enterrer le bras, apparaît la jambe, et vice-versa !), pour signifier l'imbroglio de problèmes successifs sans solutions possibles. En tout état de cause, la pièce Ulac l'harga ulac a eu un coup de maître. Kocila Tighilt