Quand les pouvoirs publics communiquent, à grands renforts de manchettes, sur “l'extension est et ouest du métro d'Alger” ou à propos du “métro d'Alger : de nouvelles lignes en perspective” (exemples tirés de “unes” d'hier), que voulez-vous qu'ils pensent, les quidams ? Ceux qui sont loin de la capitale jalousent les Algérois et ceux qui habitent Alger et ses environs ont depuis longtemps appris à ne pas faire le lien entre ce qui se dit et ce qui se fait. Un quart de siècle après le lancement du métro, on en parle encore au futur. Mais on en parle un peu comme s'il existait. Ce doit être l'effet de la répétition : on finit par croire à ce qu'on dit, à ce qu'on écrit surtout. C'est pour cela qu'il y a beaucoup de choses qui n'existent que dans la presse. Ce qui nous rappelle une anecdote rapportée au Ramadhan 2007. Les autorités “alimentaires” avaient initié une campagne, durant le mois sacré mais aussi le mois où nous nous imposons quotidiennement une alimentation carnée, où il était question de viande fraîche importée et revendue à quatre cents dinars le kilogramme. Un boucher eut alors cette réplique à l'adresse d'une cliente qui s'inquiétait de savoir où l'on pouvait trouver cette viande à prix réduit : “à la télévision !” Cette existence virtuelle de choses qu'on impose par incantation est, si l'on peut dire, réelle. Un confrère a bien écrit dans son reportage : “Arrivés au niveau de la station du métro Salah-Bouakouir…” L'étranger, qui lit l'article, ne peut pas savoir que, par un effet d'incantation, l'on est en train de lui vendre un métro sur plan. Il n'y a donc pas que le métro qui existe par l'effet magique de la communication. En 2007 déjà, un site d'informations sur l'Algérie commence ainsi : “Après les grandes villes, plusieurs agglomérations, plusieurs petites agglomérations seront bientôt dotées de tramways”. Pourtant, pas plus que les petites agglomérations, aucune grande ville n'a encore de ligne de tramway. Nous vivons grâce à l'alchimie du discours soutenue par une transcription médiatique froidement fidèle, dans une Algérie désincarnée qui échappe à sa propre réalité. Demain, le Premier ministre lira le plan d'action à l'intention de députés convaincus d'avance et de citoyens qui ont déjà pris l'habitude de concevoir ce qu'ils ne voient pas. Il y sera question, entre autres, de patriotisme économique, de lutte contre toutes les fraudes… Peut-être fera-t-il l'éloge de la réconciliation nationale malgré le démenti des faits tels que reconstitués devant le procureur de Boumerdès. Ensuite, la messe urbi et orbi prononcée, nous parlerons de l'Algérie idyllique des projets, celle du prochain million de logements sans avoir vu le précédent, des trois millions d'emplois et de l'amnistie générale. En oubliant que c'est nous aussi qui parlons, parfois de l'autre Algérie, celle des difficultés du quotidien, de la cherté de la vie, des débrayages successifs, des émeutes tournantes, de la météo des harragas, des attentats expliqués par Zerhouni… M. H.