Pour mettre à la disposition des clients les produits fétiches du Ramadhan, les commerçants algériens de Londres se rabattent souvent sur des substituts. Toutes les denrées ne sont pas estampillées made in Algeria, mais proviennent de divers horizons. Du l'ben (lait fermenté) produit au Luxembourg, de la zlabia importée de France, de la datte Deglet Nour made in Tunisia, du couscous roulé au Maroc, du s'men (beurre clarifié) mis en pot au Pakistan, du piment macéré en Turquie, du matlou (galette levée) enfournée a Londres… sur les présentoirs des commerçants algériens, les produits alimentaires, très prisés par nos compatriotes durant ce mois de Ramadhan, sont d'origine cosmopolite. À quelques exceptions près, les bouteilles de limonade Selecto sont celles qui peuvent se prévaloir de leur authenticité. Le succulent breuvage est sorti directement des usines Hamoud Boualem, à Alger. Son acheminement jusqu'à Londres est assuré par un distributeur exclusif qui approvisionne les détaillants de Black Stock Road, dans le quartier de Finsbury Park. C'est ici, dans ce segment de rue, baptisé Little Algiers, que les ménagères viennent faire leurs emplettes pendant le mois sacré. Elles y trouvent de tout. “Il y a quelques années, les étals n'étaient pas aussi achalandés. J'étais obligée de m'approvisionner en Algérie, à la fin de chacune de mes vacances”, confie Zahia. Celle-ci vient de mettre la main sur un paquet de semoule de la marque algérienne Sim. “Tiens, c'est nouveau. D'ordinaire, je ne trouve que les variétés importées du Maroc”, note la mère de famille. Du coup, elle prend trois kilos, anticipant un éventuel épuisement du stock. L'éloignement et l'absence d'une liaison maritime entre l'Algérie et l'Angleterre compromettent la disponibilité permanente des denrées alimentaires de fabrication nationale chez les commerçants. Les cargaisons transitent habituellement par la France où se trouve une communauté émigrée beaucoup plus importante. Pour combler l'absence de certains produits fétiches made in Algeria, les détaillants se rabattent sur des copies provenant d'autres cieux. Dans ce domaine, la palme revient à la Tunisie et au Maroc. Notre voisin de l'Est a réussi l'exploit de vendre aux Algériens de Londres des dattes tunisiennes estampillées Deglet Nour. En Europe, des pays comme la France (où réside une forte communauté musulmane) ont compris que le Ramadhan est un mois propice aux affaires. Il n'est pas étonnant alors que le lait caillé provienne du Luxembourg et que les feuilles de dioul de Normandie. En Grande-Bretagne, des enseignes de la grande distribution, comme Tesco et Sainsbury's, misent sur le créneau hallal pour attirer la clientèle d'origine musulmane (cette religion étant la seconde dans le royaume). Durant le mois de Ramadhan, de plus grands espaces sont aménagés dans les supermarchés pour accueillir les produits spécial Ramadhan. Mais souvent, ces compartiments sont dédiés à l'art culinaire asiatique ou du Moyen-Orient, les Pakistanais, les Bengalais, les Iraniens, les Turcs, les Egyptiens constituant l'essentiel de la communauté musulmane du pays. De leur côté, les Algériens de Londres (ils sont un peu plus de 25 000 dans le royaume, selon le recensement des services consulaires) peuvent toujours se rendre a Black Stock Road pour faire leurs emplettes. Il y a quelque temps, une boulangerie artisanale a ouvert ses portes, offrant aux clients des variétés de galettes et de pains aux grains de nigelle, de fenouil ou de sésame. Le fournier faisait déjà ce métier quand il était à Alger. Le désir de donner un nouveau souffle à sa vie l'a amené à Finsbury Park où il continue à faire cuire des miches, dont le parfum chatouille les narines des jeûneurs.