Il s'agit d'un crime financier sans précédent. L'enquête, toujours en cours, va durer plusieurs mois. Des magistrats spécialisés sont mis à contribution pour assembler le puzzle des 11 filiales de la première banque privée en Algérie. Le président Bouteflika veille personnellement sur le déroulement de ce lourd dossier au niveau de la 7e chambre du tribunal de Sidi M'hamed en inscrivant ce contentieux dans le sillage de la lutte contre la corruption, la fuite de capitaux et le blanchiment d'argent. Les scandales financiers se suivent et ne se ressemblent pas. À peine l'affaire Khalifa Bank prend-elle forme, en attendant l'extradition du Royaume-Uni du richissime homme d'affaires, qu'une autre intrigue plus problématique voit le jour, et ce, en attendant l'évaluation du préjudice financier sur l'économie nationale. Le pôle judiciaire du tribunal de Sidi M'hamed, qui a repris l'affaire d'Union Bank, une affaire qu'on disait close, devra, prochainement, statuer à la 7e chambre après plusieurs mois d'étude d'une pile de dossiers aussi lourds les uns que les autres. En effet, après le transfert de l'affaire à la section de recherches de la gendarmerie d'Alger, l'enquête a duré plus de 18 mois. Et c'est le premier magistrat du pays, Abdelaziz Bouteflika, qui a décidé de faire la lumière sur cet énième scandale financier en le consignant dans le cadre des dérives des banques en Algérie. Du coup, ce sera la troisième affaire que traitera la justice algérienne après celles de Khalifa Bank et de la BCIA. Les enquêteurs estiment que l'affaire d'Union Bank dépasserait de loin celle de Khalifa Bank en termes de préjudice financier. Ainsi, l'affaire de la première banque privée algérienne alors présidée par Brahim Hadjas, par ailleurs dissoute en 2004 sur instruction de Ahmed Ouyahia, revient à la surface avec son lot de révélations, sachant que le nom de Hadjas avait déjà été cité dans le cadre de l'enquête du détournement du foncier à Bouchaoui. Un dossier classé, certes, mais qui revient dans la chronologie des événements ayant émaillé la vie de cette institution financière. Les 11 filiales d'Union Bank concernées par l'enquête Les investigations avancent doucement. Mais sûrement. Les enquêteurs n'écartent aucune filiale de cette banque. Les 11 pôles, dont Union Santé, Union Immobilier, Union Industrie, Union China-Trading, Union Aviation et Union Air Fret Service, sont concernés par les recherches. Mais, les enquêteurs se basent beaucoup plus sur Union Pêche. La piste étant identifiée, le pot aux roses sera alors découvert : cette filiale censée importer du matériel de pêche, un marché estimé à plusieurs milliards de dinars, exerçait une toute autre activité. Les enquêteurs, une fois arrivés au port de Mostaganem, ont découvert des métaux ferreux à la place du matériel avant de pister les instigateurs sur une affaire qui s'apparente, désormais, à une vaste opération de blanchiment d'argent qui ne dit pas son nom. Officiellement, et selon le dossier entre les mains du magistrat instructeur, ce sont 10 personnalités influentes qui sont directement impliquées, dont Brahim Hadjas, actuellement en fuite. Selon les éléments de l'enquête, les autres individus ne sont pas encore convoqués par la justice tant que les enquêteurs explorent le maximum de renseignements et d'informations pour établir leur culpabilité avant de les mettre en cause. Et ce n'est pas fini ! Entre-temps, ce sont également 430 personnes qui seront, dans un futur proche, convoquées et auditionnées par la justice. ces individus sont, entre autres, mis en cause dans des opérations bancaires douteuses. Parmi eux figurent ceux qui avaient bénéficié de crédits alors que le statut de ladite banque ne l'autorise pas, et ceux qui avaient fait des placements illégaux. Il y aussi le cas de ceux qui avaient contracté des crédits sans garantie et sans dossiers légaux. Selon nos sources, plus de 200 personnes sont impliquées dans ce seul chapitre. Des dépôts transférés dans une banque arabe à Paris Plus scandaleux, les dépôts effectués par des personnes physiques et morales ont été transférés dans des banques arabes établies à Paris, en France. Donc une fuite de capitaux à l'étranger, ce qui est considéré par la réglementation bancaire algérienne comme un grave délit financier au vu des sommes placées. Par ailleurs, nos sources révèlent que l'ex-gouverneur de la Banque d'Algérie sera cité en qualité de témoin dans cette affaire. En effet, l'ex-patron de la mère des banques, et qui était à la tête de cet empire financier, avait démissionné à l'époque après avoir constaté des anomalies, notamment dans les dossiers de recrutement des personnels à Union Bank. Bien plus, la justice compte même faire appel à des experts financiers afin d'évaluer le préjudice financier tant des sommes colossales et inestimables ont été placées, transférées et blanchies en outrepassant toutes les réglementations du marché de la monnaie. Avec un patron en fuite, des personnalités influentes éclaboussées, des dizaines de cadres et de clients impliqués, l'affaire Union Bank promet des révélations à même de mettre le doigt sur la plaie. Le président Bouteflika, premier magistrat du pays, compte aller loin en instruisant la justice afin de sévir. Acheminons-nous vers une affaire Khalifa Bank bis ou pire ? Feuilleton.