Quand on est rattaché, aussi solidement, par un nœud de corde à son village, que faire pour s'en défaire ? Simplement rester. C'est ce que décide de faire Slimane, moudjahid, revenu à Aïn El-Baroud, village perdu mais inestimable à ses yeux. Il y est né. Il y revient. Dix ans après l'indépendance. Nous sommes en 1972. Le village a une route goudronnée. Une sage-femme. De l'électricité. Aïn El-Baroud n'est plus pour Slimane ce trou de nulle part. Il a participé à libérer le pays en offrant ses hommes valides à la Révolution. Mais Aïn El-Baroud vit encore au rythme des cinq prières (p.9) selon Ali, l'instituteur, cette passerelle du savoir à l'endroit de Slimane qui, lui, a donné les plus belles années de sa jeunesse à la Révolution. C'est l'enfant qui interpelle le père. C'est le début de ce deuxième roman de Djamal Kharchi, énarque, haut fonctionnaire, auteur aussi d'une monumentale thèse sur la politique d'assimilation en Algérie. Dans ce roman, l'auteur fait appel à ses 20 ans, cette époque des années 1970 où la conviction avait alimenté nos rêves d'étudiants de cette génération. Enfouis en héritage, l'auteur raconte la révolution agraire et les campagnes de volontariat. Il place avec bonheur, face à Slimane le moudjahid, Si Salem, le patron local du FLN, véritable idéologue périmé, et Badaoui, le maire, un groupe d'étudiants venus de la ville et d'horizons divers : Meriem qu'intéresse Yacine, Farida, Toufik, Karim et Mohamed, le journaliste, à la recherche de “son” papier. Bien écrit, ce roman se lit d'une traite car le sujet est le nôtre. On se retrouve à la place de l'auteur si on se place dans le vécu, sinon comme sujets, trente ans en arrière. Roman d'actualité à mettre entre toutes les mains des jeunes qui veulent percer les secrets de leurs parents et surtout aux partisans qui ne croient plus en ce pays. Ils seront désabusés. Le rêve en héritage, roman de Djamal Kharchi Ed. Casbah, 381 p. Prix : 450 DA